Norodom Sihanouk

Publié le par Yves-André Samère

Eh bien, ça y est, Norodom Sihanouk est mort, à 89 ans – belle longévité, mais pas exceptionnelle chez les chefs d’État. L’évènement a eu lieu à Pékin, où Sihanouk avait beaucoup vécu lors de son exil. L’annonce en a été faite ce matin, et j’imagine que les journaux, sur papier ou radio-télévisés, vont tous dire la même chose. Je ne vais donc pas tartiner sur les relations de ce curieux chef d’État un tantinet égocentrique avec les Khmers rouges, car je ne suis pas compétent. Je vais plutôt rappeler deux éléments que, sans doute, on ne mentionnera pas.

D’abord, je me demande ce que va écrire cette semaine « Le Canard enchaîné », puisqu’il ne sera rédigé et imprimé que demain à midi pour être vendu mercredi. S’il en parle, ce sera peut-être sur un ton un peu gêné, car Sihanouk a été... correspondant au Cambodge du « Canard enchaîné » ! Il venait même à la fête annuelle que ce journal donnait dans un grand hôtel à Paris, où l’on voit pas mal de gens, et pas tous de gauche. Tout avait commencé lorsque Sihanouk, à l’époque prince régnant au Cambodge, ayant proclamé à la télévision son intention de prendre ses distances avec les États-Unis et de faire plutôt appel, financièrement parlant, à la France, Ernest Raynaud, rédacteur en chef du  « Canard » sous le pseudo R. Treno, avait publié un article ironique sur « l’extraordinaire force de tape » du prince. Celui-ci avait répliqué dans une lettre du 9 décembre 1963 plutôt spirituelle, publiée une semaine plus tard, et accompagnée d’un court billet non moins ironique qui acceptait cette relation avec le chef d’État cambodgien. Charmé de cette réponse, Sihanouk a poursuivi cette collaboration en envoyant de temps à autre des articles que le journal se flattait de publier... jusqu’au jour où Sihanouk s’abstint d’user de son droit de grâce et laissa fusiller deux opposants de son pays. Furieux, le « Canard » écrivit « Nous, on rompt le contrat », et plus rien ne parut dans le journal sous la signature du prince correspondant. Ce qui n’empêcha nullement ledit prince de continuer d’être invité aux fêtes annuelles du journal, où il venait ! Mais de cela, « Le Canard » ne s’est jamais vanté...

J’ai tenté de savoir la date de cette rupture et me suis rendu au siège du « Canard », 173 rue Saint-Honoré, dans l’espoir de pouvoir y consulter les archives, mais, le croiriez-vous, si celles des dernières années sont conservées, on a été incapable de retrouver celles des années passées ! Et comme rien n’est numérisé dans ce journal résolument passéiste, il faudrait interroger les anciens directeurs ou rédacteurs en chef. Par table tournante, peut-être...

L’autre élément curieux concernant Sihanouk c’est sa passion du cinéma. Et il ne se contenta pas d’être cinéphile, il se mêla d’être réalisateur ! Cela, je suis à peu près certain que « Le Canard » n’en sait rien et n’en parlera pas. Mais vous saurez l’essentiel en lisant cet article que j’avais écrit. Si quelqu’un pouvait prendre l’initiative de projeter à Paris les films de Sihanouk, ce ne serait pas plus mal. Succès de curiosité garanti.

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