Omission au « Canard enchaîné »

Publié le par Yves-André Samère

Au « Canard enchaîné », on est expert en dialectique. On n’ignore donc pas les mille et un secrets permettant d’exposer son point de vue et de persuader les lecteurs qu’on est blanc comme neige.

L’un de ces procédés, c’est le mensonge par omission : passer sous silence les détails gênants (pour soi) et affecter d’ignorer ce qu’en disent les autres, c’est l’ABC du métier. Après tout, l’exercice est sans risque, un journal a toujours le dernier mot, puisque le fameux « droit de réponse » n’est nullement une obligation. Je n’ai donc aucune chance de faire savoir à ses lecteurs que « Le Canard » leur cache un petit détail, histoire de se donner, comme d’habitude, le beau rôle.

Il s’agit de la mort du prince cambodgien Norodom Sihanouk, ex-roi de ce pays, ex-exilé en Chine, ex-cinéaste confidentiel, et qui a par deux fois abdiqué, comme je l’ai rappelé ici et . « Le Canard » publie donc aujourd’hui en page 8 un article nécrologique des plus succincts, et non signé, ce qui n’est pas habituel. Dans cet articulet sur seulement deux colonnes, il rappelle que Sihanouk, par lettre du 9 décembre 1963, avait contacté le journal pour prendre acte qu’on avait parlé de lui et de son intervention à la télé – voir sa lettre ICI. Le rédacteur en chef du journal R. Treno lui ayant répondu publiquement et plutôt sur le mode aimable quoique badin, Sihanouk avait continué d’écrire de temps à autre au « Canard », qui publia TOUTES ses lettres, et cela continua pendant quelques années, jusqu’à la rupture.

Or, dans l’article paru aujourd’hui, le rédacteur se contente d’écrire que « Le Canard » décréta alors sur le ton de la blague que Sihanouk était désormais son correspondant particulier dans le Sud-Est asiatique », ce qui est un énorme mensonge par omission (j’avais d’ailleurs pronostiqué que le journal serait « un peu gêné »), puisque cette collaboration, au cours de laquelle la rédaction montra beaucoup de déférence, ne prit jamais un ton critique de la part d’un journal au fond très flatté. Faut-il rappeler que le prince était invité aux réceptions annuelles du « Canard enchaîné » dans un grand hôtel de Paris ? Et qu’il y venait ? Si tout cela n’avait été qu’une blague, l’affaire se serait arrêtée dès le premier échange, et la prose princière n’aurait pas nourri les pages du « Canard » pendant si longtemps.

J’ajoute que « Le Canard enchaîné » m’a contacté trois fois hier par téléphone pour avoir des précisions, qui se retrouvent citées au mot près dans l’article d’aujourd’hui. Rien, en revanche, sur les activités cinématographiques de Sihanouk... sujet qui aurait pourtant permis de « blaguer » un peu !

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