Passe encore de planter...

Publié le par Yves-André Samère

Il paraît que le droit à polluer dérange les gens sensibles, qui estiment que les États se conduisent plus mal que des gangsters. Heureusement, le génie humain a su inventer autre chose : la compensation par la reforestation ! Vous allez voir, c’est génial, comme disent les djeunz.

Donc, je dirige un pays industriel, j’empuantis l’atmosphère, et j’y déverse à tire-larigot des millions de tonnes de gaz carbonique. Par chance, j’ai fait des études, et je me souviens qu’on m’a enseigné, jadis, un truc épatant, la fonction chlorophyllienne. Voilà une astuce qui va bien me servir.

Les végétaux contiennent en général de la chrorophylle, substance qui rend vertes leurs feuilles. C’est bien joli à voir, mais cette chlorophylle possède surtout la faculté d’absorber le gaz carbonique lorsqu’elle reçoit de la lumière ; hélas, dans l’obscurité, elle en rejette. Aussi le bilan est-il difficile à apprécier. Mais ce que le public retient de cette faculté, c’est que les arbres « purifient l’atmosphère ». Ce n’est pas faux, mais pas entièrement vrai non plus. Il faut aussi tenir compte de ce que cette intéressante propriété ne fonctionne vraiment que si l’arbre est jeune : plus il vieillit, et moins le processus fonctionne, si bien qu’il est stupide de se révolter quand on abat un arbre âgé pour planter un arbre jeune à la place. C’est plutôt de la bonne gestion.

Ça ne pouvait pas rater, les entreprises polluantes, puis les États, se sont engouffrés dans la brèche, et se donnent dès lors bonne conscience en faisant savoir qu’ils « plantent des arbres », histoire de compenser : cela sert beaucoup, actuellement. Comme pour le droit à polluer, les conférenciers de Cancún ont proposé de créer des « crédits carbone » à ceux qui plantent des arbres. Mais est-ce bien judicieux ? Pas vraiment. Pourquoi ?

Le carbone ne gêne personne tant qu’il est stocké dans le sous-sol, que ce soit sous forme de charbon, de gaz « naturel » (sic) ou de pétrole (dans la mer, c’est une autre paire de manches, et on en parlera une autre fois). Mais, une fois brûlés ces combustibles – pétrole, gaz naturel ou charbon –, le CO2 se dégage et produit ce dont on vous parle depuis des années à longueur de journée. Et ça, c’est irréversible, car les arbres capables de l’absorber ne vivent que quelques dizaines ou quelques centaines d’années ; or, pour que le carbone qu’ils absorbent redevienne du pétrole, du gaz ou du charbon fossiles et inoffensifs (via la décomposition des végétaux), il faudrait... des millions d’années ! Donc l’effet produit par la fonction chlorophyllienne, en pratique, est nul.

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