Quand Jeanne la Pucelle larguait son fiancé

Publié le par Yves-André Samère

Si je regarde sur France 2 tous les numéros de Secrets d’Histoire, c’est surtout pour admirer les décors, et aussi pour le plaisir pervers de voir Bern parler à une caméra qui n’est pas là (elle est, dans ces moments, à cent mètres de lui sur le côté, et elle le filme de profil, mais il s’adresse à elle en regardant droit devant lui, comme si de rien n’était). Mais je ne regarde pas cette émission pour les historiens, toujours les mêmes, qui y sont invités. Quoique, les rares fois où c’est Ève Ruggieri, il ne faut pas rater ça, elle ne profère que d’anthologiques âneries.

L’un de ces historiens en peau de lapin s’appelle Franck Ferrand, et il officie sur Europe 1 – une référence ! Il s’était d’ailleurs fait reprendre par Pierre Mazeaud, ancien alpiniste de haut niveau et ancien président du Conseil constitutionnel, pour avoir répété sans rien vérifier, au sujet de la difficulté supposée d’escalader le mont Cervin, ce que d’autres avaient dit avant lui, et qui était inexact. Ferrand, bel homme, devrait faire du cinéma, et il en fait en effet, mais surtout lorsqu’il parle à la télé. Et justement, je viens de voir à la FNAC un livre qu’il a écrit, et dans lequel il traite de cinq énigmes, si l’on peut dire, de l’Histoire de France. J’ai feuilleté l’opuscule, et suis tombé sur le chapitre qui parle de Jeanne la Pucelle, que, comme tous les gens mal renseignés, il appelle « Jeanne d’Arc ». Détail prouvant qu’il ne s’est pas renseigné, puisque elle ne s’est jamais nommée ainsi (dans sa jeunesse, on l’appelait « Jeanne la Pucelle » ou « la Pucelle d’Orléans », car on soupçonnait qu’elle était la fille d’un Orléans, donc d’une famille cadette du roi de France. Plus tard, anoblie par Charles VII, elle a pris le nom de « Jeanne du Lys ». C’est tout ce qu’il y a d’officiel, et vérifiable !).

Cet historien, Ferrand, donc, aurait mieux fait de lire Henri Guillemin, qui a traité en profondeur cette question d’identité dans son livre Jeanne, dite Jeanne d’Arc, et dans ses conférences à la télévision suisse, que je vous invite à regarder sur YouTube : c’est exhaustif, passionnant et anti-conformiste.

Bref, Ferrand, qui désire – et sur ce point il a raison – prouver que Jeanne n’avait pas seize ou dix-sept ans quand elle a commencé sa carrière militaire, rappelle un certain procès devant le tribunal de Toul. Il raconte que Jeanne avait traîné son ex-fiancé devant ce tribunal pour avoir rompu leurs fiançailles. Or, j’ai une autre source qui affirme, au contraire, que c’est le fiancé, qu’elle avait largué, qui lui avait intenté ce procès. L’important est que, pour plaider devant un tribunal de cette région, il fallait avoir au moins la majorité, qui était alors de vingt ans.

Donc, la légende de la petite jeune fille de dix-sept ans qui va solliciter du roi qu’on lui confie une armée, cette légende est fausse dès le départ. Mais Ferrand utilise mal ce qu’il sait.

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