Quand le pape riposte
Accusé de manque de fermeté dans la répression de la pédophilie qui entache la réputation de son clergé, le pape, aujourd’hui, a riposté en taxant les médias de vulgarité. Boulette ! Un pape s’exprimant publiquement pour se défendre, on n’avait pas vu cela depuis 1976.
Cette année-là, l’écrivain français Roger Peyrefitte publiait un roman, présenté comme un récit retraçant la vie d’un marchand de tableaux, Fernand Legros. Cela s’intitulait Tableaux de chasse, ou La vie extraordinaire de Fernand Legros, et le premier paragraphe du livre citait un certain nombre de personnalités dont l’auteur affirmait qu’elles étaient homosexuelles. Parmi elles, donc, le pape en exercice, Paul VI. Selon Peyrefitte, celui-ci était tombé amoureux, avant d’être pape, d’un jeune acteur prénommé Paolo, et c’était en l’honneur de ce garçon qu’il avait choisi son pseudo de souverain pontife. Or Paul VI avait vivement réagi, sur le mode douloureux, dans un discours public, ce qui avait été très maladroit.
En effet, à cette époque déjà, plus personne ne prenait au sérieux les élucubrations de Peyrefitte (il alla, plus tard, jusqu’à voir en Jean-Paul II... un agent du KGB !) . Homosexuel militant, il s’était mis en tête qu’ayant dit la vérité sur lui-même, il devait la dire ensuite sur les autres, et avait entrepris une campagne de dénonciation – on ne disait pas encore « outing » – qui le fit haïr et mépriser d’un bon nombre de ses victimes, à commencer par Henry de Montherlant, illustre écrivain, en effet amoureux des jeunes garçons, plusieurs fois pris par la police en flagrant délit de drague sur les Grands Boulevards, mais qui tenait beaucoup à cacher son petit secret.
Bref, le secret de Paul VI, à supposer que cette histoire fût fondée, aurait pu passer quasi-inaperçu, mais sa réaction en fit un petit scandale qui lui colla aux basques jusqu’à la fin de ses jours, en 1978. Il aurait dû demander des conseils à la reine d’Angleterre, qui observe rigoureusement ce principe : Never explain, never complain (ne jamais s’expliquer, ne jamais se plaindre). Hélas pour eux, les papes ne sont pas les Windsor !