Qui étaient les « sous-hommes » de Georges Frêche ?
Comme je l’ai dit le 12 décembre, Georges Frêche, qui a le verbe haut, n’a probablement pas voulu insulter TOUS les harkis en traitant de « sous-hommes » le petit groupe de harkis interpellés par lui et qui s’étaient ralliés à l’UMP. Et voici pourquoi, selon moi.
Les harkis étaient des Arabes musulmans d’Algérie qui ne voulaient pas de l’indépendance de l’Algérie, et qui s’étaient donc engagés dans l’Armée française pour combattre le front indépendantiste. En somme, ils étaient partisans de l’Algérie française. L’Armée les avait accueillis avec d’autant plus d’empressement que cela confortait la thèse alors officielle : que tous les Arabes musulmans d’Algérie ne voulait pas de l’indépendance. Ce qui, du reste, était parfaitement exact – voir le Mouvement National Algérien de Messali Hadj, qui s’opposait au type d’indépendance que prônait le Front de Libération National de Ferhat Abbas, sans être pour autant partisan de la France. L’idole des harkis, c’était De Gaulle... tant que celui-ci a fait mine de vouloir régler cette guerre en gardant l’Algérie au sein des colonies françaises.
Mais De Gaulle ayant changé d’avis, et surtout de politique, cela se solda par un cessez-le-feu, négocié avec le FLN cité plus haut, et qui entra en vigueur le 19 mars 1962. À partir de ce jour, on entreprit de virer les harkis hors de l’Armée française, et on fit semblant d’oublier les promesses qu’on leur avait faites en les enrôlant : que jamais la France ne les abandonnerait.
Elle les abandonna. C’est historique. En dépit des réticences de certains ministres comme Pierre Mesmer, qui était à la tête des Armées (on ne disait pas encore « Défense nationale »), De Gaulle interdit aux officiers français qui rapatriaient leurs troupes en métropole de ramener les harkis par la même occasion. Son gouvernement envoya même les gendarmes dans les ports et les gares pour tenter de faire respecter cette interdiction, qui envoyait tout simplement les harkis à la mort. Et ce fut tout à l’honneur de certains officiers, de désobéir à cette occasion, et de rapatrier leurs anciens soldats – sinon, il n’y aurait plus de harkis en France aujourd’hui, on l’oublie trop souvent !
Cette mise au point étant faite, tout devient plus clair : De Gaulle et tous ceux qui se sont réclamés de lui ensuite, les différents partis gaullistes (l’UNR, puis le RPR, puis l’UMP aujourd’hui), auxquels on devait le sort des dizaines de milliers de pauvres gens trahis, abandonnés froidement et massacrés par le FLN et la population algérienne, sont les ennemis naturels des harkis et de leurs descendants.
Dans ces conditions, on ne peut pas s’étonner que Georges Frêche se soit révolté d’en voir certains se rallier à un parti qui se réclame de De Gaulle ! Le qualificatif de « sous-hommes » visait ce petit groupe-là. Certainement pas l’ensemble des harkis.