Regretter un improbable procès
Cela ne pouvait pas manquer : dès ce matin, les « humanistes de gauche bien parisiens » dont Desproges se moquait commençaient à regretter que les policiers du RAID aient abattu Mohammed Merah, le tueur de Montauban et Toulouse, et déploraient qu’on ne l’ait pas plutôt arrêté pour le juger.
Il y a beaucoup à dire. Donc, analysons brièvement, en précisant tout de suite que ce qui suit n’est PAS un plaidoyer en faveur de la peine de mort.
D’abord, cet homme avait abattu quatre adultes (un juif et trois musulmans, ce qui est curieux pour un djihadiste) et trois enfants, puis blessé plusieurs policiers. Or, dans son esprit, ce n’était sans doute pas fini, puisque, dans la nuit du mardi 20 au mercredi 21, à une heure du matin, donc avant le siège de son immeuble, le tueur a téléphoné à France 24 depuis une cabine téléphonique. Il a obtenu au bout du fil Ebba Kalondoa, rédactrice en chef – qui est venue témoigner le soir même sur Canal Plus. La conversation a duré onze minutes, et le tueur, « très clair et très calme », a revendiqué les attentats. Le témoin rapporte qu’il parlait des « “cibles”, il était très détaché par rapport à l’humanité de ses victimes ». Il a donné les preuves matérielles que son appel était authentique, annoncé qu’il était affilié à Al-Qaïda, et surtout, que ce qu’il avait fait « n’était que le début » et qu’il y aurait d’autres attentats à Lyon, Marseille et Paris. Et il a ajouté « que deux choses pouvaient l’arrêter : soit on l’attrap[ait] et il ira[it] en prison la tête haute, soit il rencontrera[it] la mort avec un sourire ». Il a ajouté qu’il avait tout filmé et que ce « serait sur la toile prochainement », indice de sa vanité, qui concorde avec le fait de s’être vanté d’avoir « mis le pays à genoux ». Or, plus tard, durant le siège, il a fait marche arrière et refusé de se rendre. Ses intentions étaient donc très claires, on ne le prendrait pas vivant.
Voyons maintenant le point de vue des policiers : ils savent que l’homme est lourdement armé, consumé par la haine, et qu’il ne se rendra pas ; que, par conséquent, il va pratiquer la méthode de la terre brûlée : tuer le plus de monde possible avant d’être abattu. Que faire dans ce cas ? Espérer, prier, tâcher de l’amadouer par des considérations humanistes, lui promettre une impunité improbable ? Rien de tout cela n’est possible. Agressés par un homme qui tire sur eux, ils l’abattent, c’est de la légitime défense. On va peut-être objecter que cet homme était un pauvre fou, donc irresponsable. Irresponsable, mais de toute évidence irrécupérable. Car enfin, un chien atteint de la rage et qui mord les passants n’est pas davantage responsable, cependant on l’abat à la première occasion, pour qu’il ne fasse pas d’autres victimes. On peut déplorer ce recours à la manière forte, mais c’est un geste visant à protéger la collectivité, et foin de la sensiblerie.
Enfin, même si on l’avait capturé, la possibilité d’un procès me paraît très fantaisiste. Souvenez-vous du procès de Klaus Barbie, le bourreau nazi de Lyon, capturé en Amérique du Sud et jugé en France : après une déclaration liminaire, il a refusé de parler et d’assister aux audiences. C’est très classique. S’il y avait eu un procès, Merah n’aurait rien révélé.