Le Soleil n’a pas rendez-vous avec la Lune
J’ai été assez surpris de lire dans les journaux et d’entendre dans les radio-télés que la France réclamait à la Mauritanie l’extradition d’un ancien bras droit de Kadhafi, organisateur de l’attentat contre l’avion de l’UTA en 1989 – qui a causé 171 morts. En effet, tout le monde l’a désigné comme Abdallah al-Senoussi. Bizarre, ce nom !
D’abord, précaution, on ne prononce pas « Sénoussi », mais « Snoussi ». Ensuite et surtout, ce prétendu « al-Senoussi » viole une règle de grammaire de la langue arabe. J’explique.
L’arabe n’utilise qu’un seul article défini, Al (ou El), qui sert à tout : masculin, féminin, singulier, pluriel ; il sert aussi de préposition. Or l’usage de ce mot unique est soumis à une règle d’écriture et de prononciation bien précise : devant les noms commençant par certaines consonnes, dites « solaires », le L de Al disparaît, et il est remplacé par ladite consonne, qui se trouve ainsi redoublée. Or le nom Senoussi commence précisément par une de ces consonnes solaires, dont les équivalents français sont le T et ses variantes (dont le TS), le D, le R, le Z, le J, le CH, le S et ses variantes, le L et le N.
Ainsi, le nom Senoussi précédé de l’article – qui joue un peu le rôle de particule en arabe – devient as-Senoussi. C’est le même processus dans les prénoms composés comme Abd-er-Rahim ou Abd-en-Nour.
En revanche, les autres consonnes, dites « lunaires », n’induisent cette modification, et le Al reste ce qu’il est, comme dans Abd-el-Kader. Ce pour quoi le propriétaire de Harrod’s à Londres et du Ritz à Paris se fait appeler Mohammed al-Fayed (en fait, il s’appelle Fayed tout court, mais il est milliardaire, et cherche donc à passer pour un aristocrate, histoire d’embêter la reine, qui a refusé de lui donner un titre de noblesse).
Ainsi de ces deux fêtes religieuses de l’islam, l’une s’appelle Aïd-el-Kebir (prononcez kbir), et l’autre Aïd-es-Seghir (prononcez srir). Il n’y a pas de faute, c’est la règle.