Se distraire à Paris
Dans la capitale, en cette radieuse journée (je ne plaisante pas, il fait insolemment beau), deux lieux de distractions s’offraient au chaland (qui passe). D’abord, ce magnifique incendie boulevard de Sébastopol. La radio l’a signalé ce matin à huit heures, mais, à l’heure où je mets sous presse, soit quatre heures de l’après-midi, le boulevard est toujours interdit à la circulation, y compris piétonne, entre les rues Rambuteau et Berger. L’immeuble du 38 a intégralement flambé, de la cave au grenier, et les pompiers de Paris, qui ont dû provisoirement suspendre la vente de leur calendrier (laquelle constitue en ce moment leur principale occupation), sont eux-mêmes suspendus au-dessus du toit, qui continue d’exhaler une fumée qu’on inhale à des kilomètres – ce qui reste tout de même plus agréable que cette odeur d’oignons cuits polluant la totalité d’Amsterdam, capitale des Pays-Bas qui méritait certes mieux. Cela dit, au printemps dernier, l’incendie de l’Hôtel Lambert était plus réussi, et l’on avait bouclé pour l’occasion la moitié de l’Île Saint-Louis.
Je suis néanmoins en mesure d’apporter un démenti formel : ce n’est pas Johnny qui a allumé le feu. À cette heure, il dort encore.
L’autre lieu où les badauds, euh... badent (si-si, ce verbe existe !), c’est le nouveau jardin des Halles – du moins sa moitié ouest. On l’a inauguré hier, et les promeneurs ont eu tôt fait de venir s’y faire des bleus aux fesses en investissant ses bancs en béton. C’est au pied de l’église Saint-Eustache, et d’une tristesse à vous flanquer l’envie d’aller faire la fête au Père-Lachaise, cimetière infiniment plus gai quoique pauvre en béton. Naguère, à cet endroit des Halles, une jolie petite place en arc de cercle, visible ICI, permettait aux enfants de faire du patin à roulettes, et aux amoureux d’en faire autant, quoique sans roulettes. Aujourd’hui, ici, tout est angles aigus et gazon en projet : on sent que l’architecte doit s’être suicidé. Espérons que, dans cinquante ans, on refera complètement les Halles, et que, cette fois, il y aura des poètes à l’Hôtel de Ville (on a l’impression que Delanoë, le maire de Paris, a fait HEC).
(Note du lendemain matin : les pompiers sont toujours présents, et le boulevard reste barré. On a construit dans la nuit une jolie palissade qui isole tout l’immeuble, et donc le café et le fleuriste du rez-de-chaussée. Les commerçants – et les résidents ! – doivent être ravis. Mais l’incendie est éteint, et le quartier ne sent plus la fumée)