Selfie
Jusqu’à ces derniers mois, on appelait ça « un autoportrait », et on n’en faisait pas tout un plat. Mais aujourd’hui la bêtise généralisée en a fait une mode qui a gagné jusqu’au président des États-Unis, lequel passe pourtant pour un homme intelligent, et on a rebaptisé la chose d’un joli nom bien de chez nous : selfie.
Ainsi, chacun se photographie à tout bout de champ, avec son téléphone mobile qui mérite de moins en moins son nom de smartphone, puisque ce terme est censé signifier « téléphone intelligent ». Oui, je sais, je suis injuste : rien n’est plus intelligent que de prendre une photo sans se soucier du cadrage, de l’exposition et autres futilités dont se soucient les vrais photographes ! Dans tous les domaines, place aux amateurs (si vous êtes allé au cinéma ces dernières années, vous comprenez ce que je veux dire...).
Non, ce qui compte désormais, ce n’est plus de prendre une belle photo d’un endroit intéressant ou d’une personne qu’on apprécie et dont on veut garder le souvenir. Ce qui compte, c’est d’être soi-même sur le cliché, et dans n’importe quelle situation, de préférence dans une position ridicule. Voulez-vous parier ? Avant peu, un zozo quelconque aura l’idée de confier un smartphone à un singe, et l’on fera une exposition avec les œuvres du primate. Cela renouvellera l’histoire de l’âne qui avait peint ce Coucher de soleil sur l’Adriatique, dont je vous ai déjà entretenu : les auteurs du canular avait prétendu que le « peintre », Joachim-Raphaël Boronali, pionnier d’un style nouveau, l’« excessivisme » (sic), était né à Gênes. Nous en sommes tout près. Pas de Gênes. De l’âne.
(NB : ce nom, Aliboron, c’est La Fontaine qui l’avait inventé dans sa fable Les voleurs et l’âne !)