Toutes les I.V.G. gratuites ?
J’avais écrit hier cet article, mais, à la réflexion, il était incomplet. Je l’ai donc refait ce matin, et les commentaires qui l’accompagnaient ont sauté, par conséquent. Je commençais en écrivant que je réprouvais les tentatives des réacs espagnols (aujourd’hui au pouvoir à Madrid, et tous nostalgiques de la belle époque où ce grand humaniste de Franco régnait sans partage) de raboter les dispositions légales en faveur de l’avortement – que nous appelons « I.V.G. » (interruption volontaire de grossesse, car nous sommes d’une exquise délicatesse dans la langue de bois). Prochaine étape, « démarier » les homosexuels qui ont convolé, ces impies ayant causé ainsi une peine infinie à la Sainte Mère de Dieu et au Petit Jésus ?
Il n’empêche que je fais les nuances, et que je suis légèrement mal à l’aise quand j’entends les manifestantes françaises brailler « Avortement libre et gratuit pour toutes ! », traînant en outre dans la boue les députés de l’UMP qui souhaiteraient qu’on mette un peu la pédale douce sur ce fameux remboursement de TOUS les avortements. Là, c’est de l’esprit de système, voire du dogmatisme. La grossesse serait donc une maladie ? Rembourse-t-on la chirurgie esthétique, en dehors des cas très graves ?
Ce n’est pas l’avortement qui me gêne, c’est l’idée de rembourser TOUTES les femmes qui y ont recours, quelles que soient leurs finances. La Sécurité sociale aurait donc de l’argent en rab ? Il ne me semblerait pas inéquitable que l’on conditionne ce remboursement à la situation économique de la personne qui a demandé cette intervention. Pour parler clair, rembourser les frais à une femme qui n’a pas les moyens, oui, mais, en contrepartie, faire casquer celles qui les ont.
Soyons précis : il existe deux méthodes d’avortement, la chirurgicale et la médicamenteuse. La première peut être faite, sous anesthésie locale ou générale, jusqu’à la fin de la douzième semaine de grossesse, en établissement de santé, et elle nécessite une hospitalisation inférieure ou égale à douze heures. La seconde peut être faite en établissement de santé ou chez un médecin de ville, jusqu’à la fin de la cinquième semaine, et elle consiste à prendre deux médicaments, l’un qui interrompt la grossesse, l’autre qui provoque des contractions et qui expulse l’embryon. Là, pas d’hospitalisation. En établissement de santé, le prix d’une IVG chirurgicale, fixé par la loi, va de 437,03 euros à 644,71 euros. Pour l’autre méthode, les prix vont de 230 à 270 euros en établissement de santé, et il est de 190 euros chez un médecin. Tout cela est remboursé à cent pour cent par la Sécurité sociale, pour toutes les femmes qui y ont recours.
Vous noterez que, si ces sommes peuvent sembler lourdes pour des femmes sans grands moyens financiers, elles sont insignifiantes pour la bourgeoise du septième arrondissement, qui dépensera dix fois plus en un week-end au ski ou à Marrakech. En outre, la plupart des smartphones dont on trouve en moyenne un exemplaire par membre d’une famille coûte plus cher que cette intervention ! Je sais, la comparaison est saugrenue, mais je la fais exprès pour souligner l’absurdité de certaines revendications. Les Suisses, pour ne parler que d’eux, ne rechignent pas à consacrer à leur santé des sommes qu’en France on gaspille plutôt pour des vacances deux fois par an, un séjour à Gstaad pour Noël, des vêtements de marque pour les gosses, et des cadeaux aussi inutiles que stupides. Ça, oui, c’est idiot et indécent.
Vous remarquerez que nulle part je ne laisse la morale pointer ici son vilain nez, et que je feins pas de croire qu’un avortement serait une partie de plaisir, tout à fait capable de servir de contraceptif d’appoint aux étourdies. Encore une fois, je ne me suis intéressé ici qu’à l’aspect financier de la question. Que les femmes résistent donc à la tentation bien légitime de vouloir m’arracher les yeux pour avoir écrit ce qui précède.