« Très » ou « trop » ?
Confondre les mots, c’est déboucher sur une pensée confuse. L’un des tics quotidiens les plus agaçants que je connaisse est cette manie de croire que très et trop sont synonymes, et qu’il est tout à fait légitime de faire disparaître le premier (la disparition des mots usuels, vous savez déjà ce que j’en pense).
Je ne sais à quand remonte cette confusion, mais elle doit être relativement récente, et désastreuse. De ces deux adverbes, le premier, très, n’induit aucune nuance péjorative. Si, comparant deux films de Kubrick, je dis que Lolita est bon et que Full metal jacket est très bon, je ne dénigre pas le premier, j’indique seulement ma préférence, et très ne fait que renforcer l’adjectif bon. En revanche, si je dis que ce couscous est salé mais que cette pizza est trop salée, je porte sur ladite pizza un jugement péjoratif : être trop salée, c’est un inconvénient, et pas seulement une caractéristique. Et il est tout à fait ridicule, par exemple, de dire que tel dessert est « trop bon », comme on l’entend sans arrêt.
Les adultes, parents ou instituteurs, qui, la première fois qu’un enfant commet cette faute, le laissent dire sans le reprendre, n’ont pas conscience qu’ils le laissent glisser sur une pente dangereuse, celle de la confusion mentale, qui va le conduire au niveau d’un candidat à Secret story ou d’une attachée de presse (merci Daniel Morin !). Je préconise un traitement de cheval, à suivre d’urgence. Plein de mansuétude comme vous me connaissez, j’envisage une demi-douzaine de coups de pied à cet endroit où le dos change de nom. La fin justifie les moyens.