« Tsunami » contre « seppuku »

Publié le par Yves-André Samère

C’est bizarre, les innovations sémantiques. Je ne reviens pas sur la vogue insolite du mot incontournable, sans doute issu de la cervelle d’un journaliste à court d’idées (ce devait être au moins d’août) et qui a voulu faire le malin en créant un mot dont on n’avait aucun besoin : j’ai vérifié, les autres langues, ou bien utilisent essentiel et ses nombreux équivalents, ou bien l’ignorent purement et simplement.

Un mot à la mode et qui revient souvent (quand l’actualité le permet), c’est tsunami. Or personne chez nous ne le connaissait, hormis les scientifiques et les spécialistes des langues orientales – mais les journalistes ne sont ni l’un ni l’autre –, avant que se produise en Thaïlande un raz-de-marée. C’était en décembre 2004, et depuis, nous avons une indigestion de tsunami. Mais, hormis le snobisme, rien ne justifie qu’on emploie un mot japonais lorsque nous possédons un équivalent en français. Je sais bien que les spécialistes distinguent les deux notions et avancent quelques subtilités, argüant par exemple que le tsunami est d’origine géologique, et le raz-de-marée, d’origine météorologique, mais, franchement, qui, dans la presse et a fortiori dans le public, a entendu parler de ces subtilités ?

Il y a aussi hara-kiri. Là, c’est beaucoup plus marrant. Ce terme, qui désigne une forme de suicide très en vogue, naguère, chez les samouraï, consiste à s’ouvrir le ventre avec un sabre. La coutume, que vous ignoriez peut-être, exige qu’après s’être enfoncé l’arme blanche dans l’abdomen, on « dessine » une croix – j’ignore le sens de ce symbole – pour donner à l’ouverture un aspect sans doute plus joli ; ce qui doit nécessiter une certaine patience et un degré de motivation peu commun chez le candidat au suicide. Or les Japonais ne se servent pas du mot hara-kiri ! Ils disent seppuku. Ainsi, en 1962, un film en noir et blanc de Masaki Kobayashi portait ce titre, mais on l’avait sorti en France sous le titre Hara-kiri. Résumé (en anglais) ICI. On vient d’ailleurs d’en faire un remake, baptisé Hara-Kiri : mort d’un samouraï, et qui, au Japon, est sorti sous le titre Ichimei.

Je suggère donc qu’on mette seppuku à la mode, même si la pratique on ne peut plus ludique désignée par ce mot tend à tomber en désuétude. Souhaitons qu’il y ait un tsunami de seppuku, au moins dans nos journaux.

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

Y
Ça paraît bien alléchant, cette forme de suicide. Surtout avec la branche transversale. Je me sens très motivé, et je vais certainement l’adopter. Une mode à lancer...
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A
La langue japonaise est sûrement la plus simple des langues que j'ai étudiée.<br /> En effet ils vont au direct : pas de féminin-masculin; pas de pluriel-singulier; seulement trois temps : passé-présent-futur; j'en passe et des meilleures...<br /> <br /> L’ambiguïté entre le Seppuku et le Hara-Kiri viendrait en fait de la traduction du japonais en chinois. En japonais, on dit oralement "Seppuku", mais quand l'écriture chinoise est arrivé au japon,<br /> il y a eu deux façons de l'écrire.<br /> En lecture on, d'origine chinoise, de gauche à droite, on dira seppuku, alors qu'en lecture kun, d'origine japonaise donc de droite à gauche, on dira harakiri.<br /> <br /> Cela remonte donc a très loin, bien avant le film de Masaki Kobayashi.<br /> Et oui, il n'y a pas qu'en France que l'on se complique la vie !<br /> <br /> Un petit mot pour terminer en précisant que le seppuku de base était "juste" une coupe transversale du ventre. Seuls les plus motivés rajoutaient la coupe verticale pour faire une croix, ce qui<br /> leur garantissait une mort avec encore plus d'honneur.
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Y
On va créer un parti, et on concurrencera le Modem.
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D
Figurez-vous que mon tendre et cher époux, l'autre jour, a prononcé "kamikazé" ! Je l'ai félicité en votre nom. Et, hélas, ce n'est pas Frédéric Charles...<br /> Donc, vous êtes trois à bien prononcer ce mot.
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Y
« Sépoukou ». Le son « u » n’existe pas en japonais.<br /> <br /> Curieusement, le son « l » non plus, on l’assimile au « r », mais roulé comme dans les campagnes françaises. C’est pourquoi « Gozilla », en fait, se transcrit<br /> « Gozira ».<br /> <br /> Et inutile de rappeler que « kamikaze » se prononce « kamikazé »... Si vous ne me croyez pas, appelez Frédéric Charles, il est le seul à prononcer correctement.
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D
Oui, mais comment cela se prononce-t-il ?<br /> Seppuku ou Seppoukou ? La première hypothèse me semble peu agréable aux oreilles françaises...<br /> Raz de marée. Quand un journaliste utilise ce mot, j'en pleure de joie.
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