Un autre coup de rabot

Publié le par Yves-André Samère

Elle est bien bonne : pour faire avaler aux internautes que le piratage des films portait préjudice à l’industrie du cinéma, le législateur a commencé par avaler lui-même un énorme bobard, à savoir que 450 000 films, pas moinsse ! seraient piratés chaque jour, et que, par conséquent, le cinéma risquait d’en mourir.

Vérification faite, sans doute par le Syndicat des Pirates (qui, chez nous, reste néanmoins à créer), les recettes du cinéma, cette année, n’ont fait qu’augmenter, puisque le nombre d’entrées dans les salles a crû sans arrêt : + 9,2 % en cette fin d’année.

Du reste, l’État le sait, puisqu’il prélève une taxe sur chaque billet vendu à la caisse des salles et sur chaque film téléchargé par le procédé de « Video on demand », évidemment payant. Ces taxes sont reversées au Centre National du Cinéma et servent à subventionner le système d’avances sur recettes, une caractéristique bien française d’aide au cinéma national.

Cet argent, qui a tout d’une manne, j’ai déjà dit qu’on le gaspillait en finançant des films dont le projet, le plus souvent présenté par un débutant, ne tient pas vraiment la route, aboutissant à la fabrication de navets qui finissent leur carrière, au bout d’une semaine ou deux, dans un placard à balais, et dont les chaînes de télé ne veulent même pas. Regardez la liste des films qui sortent chaque semaine : au moins la moitié sont des premiers films. Regardez les noms de leurs réalisateurs : la plupart du temps, vous ne le reverrez jamais, car ils ne feront pas de deuxième film ! C’est au point que, si on jetait cet argent par les fenêtres, il serait aussi utile à la collectivité. Or, loin de mettre fin à cette gabegie, on prévoit que les recettes données au CNC augmenteront de 174 millions l’année prochaine.

Si bien que les sénateurs, qui savent ce que signifie le mot pognon, ont adopté en Commission un amendement à la Loi de Finances 2011, par lequel on propose de ponctionner sur ce pactole... 130 millions d’euros qui seraient réaffectés au budget de l’État, mais « à titre exceptionnel », dit ce texte pas faux-cul le moins du monde. Souvenons-nous plutôt de cette loi de la Quatrième République qui avait « affecté » aux vieillards le produit de la défunte vignette automobile ! Ils n’en ont jamais vu un kopeck...

Ce joli prélèvement, évidemment provisoire, ne diminuerait pas les ressources du CNC, selon les sénateurs. Il se bornerait à en limiter l’augmentation, qui ne serait plus QUE de 44 millions d’euros (soit 7,6 %). Cette ponction sans douleur excessive serait justifiée par le désir d’éviter, accrochez-vous, « qu’un surcroît de recettes n’entraîne une hausse immodérée des dépenses de fonctionnement et d’intervention du CNC ». C’est pour le protéger, quoi...

À défaut de bien gouverner, on sait, chez nos élites, trouver des arguments-massues.

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