Un chiffre n’est pas un nombre
Il se confirme de jour en jour que, pour être journaliste à France Inter, il est indispensable de tout ignorer des sujets dont on parle. Entendu ce matin un reportage sur un groupe d’élèves de terminale, mais qui seraient en mathématiques du niveau du doctorat, et qui vont passer un concours ces jours-ci. Le sujet est illustré par une déclaration d’une participante, qui cite le cas des polygones réguliers, dont le centre de gravité se confond avec le centre du cercle circonscrit. Conclusion de la journaliste : les mathématiciens sont décidément « des amoureux des chiffres » !
Stupide. Dans ce reportage, il n’a été question que de géométrie, donc les chiffres n’ont rien à faire ici.
Par ailleurs, aucun journaliste n’est capable de faire la distinction entre chiffre et nombre. C’est pourtant simple : les nombres servent à COMPTER (ou dénombrer). Si Harpagon compte les pièces d’or de sa chère cassette, il va énoncer un nombre. En revanche, les chiffres sont des symboles graphiques servant uniquement à ÉCRIRE les nombres. Dans notre système décimal, nous avons dix chiffres, pas un de plus : 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9. Les Romains se servaient de leurs lettres, seulement sept (I, V, X, L, C, D et M), et leur système était très incommode pour le calcul. En revanche, il existe une infinité de nombres (il n’y a pas de « plus grand nombre »).
Le système décimal utilise des chiffres dits improprement « arabes », parce qu’ils ont été importés d’Algérie via un fils de commerçant italien, Fibonacci, dont le père commerçait avec des négociants de Bougie, mais ils ont été inventés en Inde vers le cinquième siècle. Lorsqu’on parle, on n’énonce aucun chiffre, c’est évident, mais seulement des nombres. Soit dit en passant, des expressions comme « on fait tout dire aux chiffres » ou « le chiffre du chômage » sont ineptes.