Une leçon aux procureurs

Publié le par Yves-André Samère

L’Hadopi, cette commission que le gouvernement a chargée de combattre les pirates sur Internet, a envoyé aux contrevenants 420 000 messages électroniques (dont un à votre très humble serviteur), suivis par 3500 lettres recommandées après une première récidive dans les six mois. Elle en a convoqué dix pour qu’ils viennent s’expliquer devant les magistrats de la Commission de protection des droits (CPD), et dire pourquoi, selon eux, leur adresse IP a été relevée au moins trois fois depuis les premiers avertissements – adressés il y a moins d’un an.

Si leurs explications ne convainquent pas, leur dossier pourra être transmis au parquet, qui décidera de l’opportunité des poursuites. Les peines encourues sont alors de 1500 euros d’amende, ou un mois de suspension de l’accès à Internet.

Jusqu’ici, simple aplication du règlement. Ce qui est moins simple, c’est que l’Hadopi s’est cru autorisée à « expliquer aux magistrats qui auront à connaître des procédures de négligence caractérisée, la mise en œuvre concrète de la loi et en particulier de la procédure de réponse graduée ». Mais non, ce n’est pas du tout une pression exercée sur la Justice, qu’allez-vous croire ? Juste une « explication » donnée à ces crétins de procureurs !

L’explication, qui évoque celle que la belle Hélène fournit à Ménélas au bout de huit jours, est la suivante : il s’agit d’une « contravention de négligence caractérisée, qui condamne le défaut de sécurisation de l’accès à Internet ». J’ai déjà expliqué que cela équivaut à reprocher à quelqu’un de s’être fait cambrioler : il ne doit surtout pas s’étonner de se retrouver poursuivi par la Justice pour n’avoir pas « protégé » son domicile. Logique, non ? À noter que cette perle juridique est définie, non par une loi, mais par un décret (du 25 juin 2010), c’est-à-dire que seul le gouvernement a établi cette belle définition.

On espère que les procureurs ont bien compris, et n’ont rien trouvé à redire à la leçon.

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