Trous de mémoire chez Attali
Jacques Attali est un homme intelligent, qui a bien des cordes à son arc (professeur d’économie, biographe, romancier, essayiste, financier, et... chef d’orchestre, quand il n’est pas conseiller privé d’un chef d’État qui s’est révélé être une pure canaille, et qu’il a quitté dès que la vérité en a été publiée). Mais on pense rarement à lui comme auteur de romans policiers. Or, à ma connaissance, il en a publié au moins deux, La confrérie des Éveillés, en 2004, et Premier arrêt après la mort, en 2017. Ce dernier livre, je l’ai commencé hier ; or, ô surprise, il compte pas certaines fautes impardonnables.
Dès la troisième page du récit (page 9 pour le livre), on lit ceci : « Trois d’entre eux avaient réussi à s’enfuir, dans la panique générale qui s’en était suivie ». Tilt ! Je sais bien que cette faute grossière est assez répandue, mais lorsqu’on est un auteur expérimenté, on ne tombe pas dans ce piège de confondre le verbe s’ensuivre et le verbe se suivre. Tout simplement, parce que le verbe se suivre ne peut pas avoir de complément, il est donc impossible de le couper en deux pour insérer le mot en dans l’interstice. Ajoutons que s’ensuivre signifie tout simplement découler ou résulter, ce qui n’est pas le cas de se suivre. Passons. Or la même faute revient à la page 102. Faire deux fois la même faute, ce n’est pas une bévue causée par l’inattention, cela ne peut venir que de l’ignorance de la règle.
Outre cela, à la page 14, je trouve cette construction étrange : « La démission du Premier ministre britannique, désavouée par son opinion pour sa mauvaise gestion de la négociation sur le Brexit ». Et là, on s’interroge sur le féminin du participe passé désavoué : est-ce la démission qui est désavouée, ce qui serait absurde, ou le Premier ministre, qui ne peut pas être du féminin puisque cette expression est introduite par le mot du, qui est, sans discussion possible, du masculin.
À ce stade de ma lecture, je n’ai rien trouvé de plus. Mais quatre fautes grossières en cent quarante pages, c’est trop. Et souvenez-vous que les éditeurs français emploient de moins en moins de correcteurs, car il faudrait les payer.
(Je ferai remarquer que, contrairement aux humoristes français en peau de lapin, je ne critique pas Jacques Attali sur les plagiats qu’on lui jette généralement à la figure quand il est invité dans une émission de radio-télé)