La somme ne fait rien à l’affaire

Publié le par Yves-André Samère

Surprenant de constater que, depuis une dizaine de jours, la bêtise au front de bœuf continue de sévir, par la voix d’une poignée de gens trop crétins pour comprendre cette évidence : ce que nous reprochons à Valls, ce n’est pas le montant de ses dépenses lors de son voyage à Berlin. Mais, clament-ils (Christophe Alévêque, encore aujourd’hui sur France inter), qu’est-ce qu’une somme de douze ou vingt mille euros, comparée à la dette de la France, qui se monte à des centaines de milliards ? Comme si la dette avait été creusée uniquement par les actes d’un irresponsable qui s’offre ses petits plaisirs avec notre argent ! Il s’agit en fait d’un principe, chaque jour bafoué par nos gouvernants : l’argent public ne doit pas être utilisé à des fins privées. C’est si difficile à comprendre ? Ignorer ce principe, c’est étaler son arrogance, à l’heure même où nos gouvernants nous réclament chaque jour de nouveaux sacrifices – qu’ils ne s’imposent jamais à eux-mêmes.

Il y a quelques semaines, je vous ai cité ce feuilleton danois, Borgen, qui montrait, dans son premier épisode, le Premier ministre danois perdre son poste pour avoir réglé avec la carte de son ministère une dépense faite par sa femme, d’environ dix mille euros (déjà, c’était moins que le prix du voyage de Valls). Vous allez me dire que c’était de la fiction. Mais non, la réalité va plus loin ! La semaine dernière, je ne sais plus quelle radio-télé a rapporté le cas de ce ministre, une femme, qui a été virée de son poste pour s’être offert... une friandise avec l’argent de l’État (Allemagne ? Scandinavie ? Je n’ai pas entendu). En 1995, Mona Sahlin, Vice-ministre d’État de Suède, fut contrainte de retirer sa candidature à la présidence du parti social-démocrate, le journal du soir « Expressen » ayant révélé qu’en 1990 et en 1991, alors qu’elle était ministre du travail, elle s’était servie de sa carte bancaire professionnelle pour des achats privés, et ce à plusieurs reprises : achat de divers articles, location d’une voiture pour un usage privé, et retrait d’argent pour environ cinq mille euros. Le lundi 16 octobre 2006, le ministre de la Culture Cecilia Stegö Chilo annonça qu’elle démissionnait parce que la presse avait révélé qu’elle n’avait pas payé sa redevance audiovisuelle depuis seize ans, ni déclaré au fisc les nourrices de ses enfants.

En Suède, des journalistes, comme Karin Eriksson, sont spécialisés dans le contrôle des notes de frais des ministres : ces notes sont des documents officiels, publics, et consultables par n’importe quel citoyen. Voyez donc ICI comment a été contrôlé le train de vie de Gunilla Carlssonn, ministre de la coopération internationale.

Résultat : la Suède, d’ailleurs beaucoup moins corrompue que la France, fait des économies, et peut consacrer un pour cent de son PIB à l’aide internationale – bien plus que notre pays, qui sait surtout se vanter d’être « le pays des Droits de l’Homme ». Sic.

Il y a des jours où l’on voudrait être scandinave.

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