Tact ?
Vous l’avez entendu, ce matin sur France Inter, le dénommé Éric Ruf, nouvel administrateur de la Comédie-Française ? Invité par Léa Salamé, il avait été branché sur les exigences passées de la grande maison, où l’on interdisait autrefois aux comédiens d’aller tourner des films – ce qui provoqua le départ de Jeanne Moreau et d’Isabelle Adjani. Et Ruf affirma que les choses avaient changé (pourtant, Pierre Niney est bel et bien parti au début de cette année, parce qu’il devenait peu à peu vedette de cinéma, et donc gagnait davantage pour un travail bien moindre), et qu’on s’était efforcé de « solutionner » cette difficulté.
Solutionner ! Le mot n’existe ni dans le Littré, ni dans le Furetière, ni dans La Curne, ni à l’Académie française (trois avis concordants ICI), ni dans le Dictionnaire philosophique de Voltaire, ni dans les Curiosités de la langue française d’Oudin. Quant au Larousse du Vingtième siècle, il en dit ceci : « Néologisme qui n’est ni élégant ni utile, puisqu’il n’ajoute rien à résoudre ».
On peut donc diriger la Comédie-Française, institution qui perpétue le bon théâtre de langue française, et ignorer le français !
Le plus piquant est que son intervieweuse a fait chorus, et employé à son tour le verbe fatal. Ce qui m’a incité à me poser la question : a-t-elle voulu faire montre de tact, évitant à son vis-à-vis la honte de parler le français comme une vache espagnole ? On racontait naguère cette petite histoire, dont j’ignore si elle était authentique, mais qui l’a peut-être inspirée : la Cour d’Angleterre recevait un chef d’État d’un pays un peu arriéré. Or, au dîner, avisant face à lui un rince-doigts, le dignitaire étranger, croyant à un breuvage, en avala le contenu. Aussitôt, les autres convives l’imitèrent poliment !
Voilà une scène qu’on ne risque pas de voir de nos jours à l’Élysée, où seul Fabius, pas toujours présent (il n’était pas là pour le dîner en faveur du roi et de la reine d’Espagne), est suffisamment bien élevé.
Mais on pourrait y convier Léa Salamé.