Cuistrerie contagieuse
Feu d’artifice de niaiseries, ce matin sur France Inter. Il a commencé avec cette initiative de je ne sais plus quelle association qui s’est donné pour but de faire lire les gosses en vacances. Je crois que cela s’appelle « Lire en short », ou quelque chose dans ce goût-là. Excellente idée, bien que jamais je n’ai eu besoin de me mettre en short sur une plage pour lire un livre. Mais la question n’est pas là, elle est plutôt dans cette interview d’un garçon de dix ans ainsi converti, qui a raconté que, jusque là, il n’était pas « dans la lecture ». Bravo, gens de médias, voilà que vous contaminez vos futurs lecteurs et auditeurs, qui se mettent à parler aussi mal que vous. Il est évident qu’être dans la lecture, c’est beaucoup plus élégant que de lire, tout simplement. Piqûre de rappel pour mes lecteurs : voir cet article où je disais tout le bien que je pense de cette manie déferlante.
A suivi la rubrique littéraire d’avant neuf heures, où un zozo chroniqueur est venu faire l’éloge d’un roman dont l’auteur, voyez le génie, a supprimé TOUS LES VERBES de son livre, et les a remplacés par des noms. Je n’ai pas retenu d’exemple, car je n’encombre pas ma mémoire avec des insanités, mais disons que cela consiste à remplacer « Je mange » par « Je nourriture ». Extraordinaire, non ? Il paraît que ça donne de la poésie à la prose de cet immense écrivain.
Mais on a tout vu, dans ce domaine. Par exemple, il y a trente ans ou quarante ans, la mode était de supprimer toute la ponctuation, et quelques auteurs s’y sont attelés, quelque temps : Pierre Guyotat, Jack Thieuloy, Tony Duvert, pour ne parler que de ceux que je connais bien, plus une poignée d’autres moutons de Panurge, si j’ose dire. Ça durait le temps d’un livre, puis ils revenaient à une écriture plus classique, faute de lecteurs enthousiasmés par la nouveauté.
Mais la cuistrerie a la vie dure, malgré Descartes, et trouve toujours des formes nouvelles.