« The little prince » (sic)
Le 26 de ce mois sortira en avant-première sur les écrans – la sortie officielle ayant lieu le mercredi 29 – l’adaptation du roman d’Antoine de Saint-Exupéry Le petit prince, en images de synthèse. Je pense que je m’abstiendrai de le voir, pour une foultitude de raisons, la principale étant la personnalité du réalisateur, qui s’est également autorisé à jouer les scénaristes en réécrivant l’histoire.
Alors que nous avons en Europe des réalisateurs de génie qui œuvrent dans ce secteur, comme Michel Ocelot (le « père » de Kirikou avec trois films sur ce petit personnage, et surtout Azur et Asmar, qui est une splendeur, étincelant d’intelligence et de beauté), ou encore Sylvain Chomet (Les triplettes de Belleville et L’illusionniste, un hommage à Jacques Tati), la famille de l’écrivain est allé chercher à New York un certain Mark Osborne, qui a commis Bob l’éponge et Kung Fu panda, des chefs-d’œuvre comme chacun sait, tout à fait dans l’esprit de Saint-Exupéry. Bien entendu, et comme ce crétin de Saint-Ex n’avait pas pensé à introduire dans son conte, pour le corser un peu, quelques personnages féminins, Osborne s’est empressé d’y remédier. L’enfant du conte aura donc une mère (et aussi un père) et... une petite amie. On espère qu’il a prévu quelques scènes de sexe ; aujourd’hui, c’est indispensable. Quant aux interprètes des voix (puisque aucun acteur n’apparaîtra sur les images), il a recruté de la vedette en veux-tu en voilà : Rachel McAdams pour la mère, Paul Rudd pour le père, James Franco pour le renard, Jeff Bridges pour l’aviateur, Benicio Del Toro pour le serpent, l’inévitable Marion Cotillard pour la rose, et... son propre fils pour le personnage du titre, vu que le népotisme se porte très bien aussi aux États-Unis (jetez donc un coup d’œil ICI, vous ne regretterez pas le voyage !). Bien entendu, tout ce monde parle anglais, et le titre est devenu The little prince.
Entendons-nous bien : je ne suis pas hostile par principe aux cinéastes états-uniens. Mais je pense que, s’il fallait en choisir un là-bas pour des raisons de distribution internationale, pourquoi n’avoir pas fait appel à Steven Spielberg ? Certes, certes, il a naguère massacré l’histoire de Peter Pan avec son Hook et celle de Pinocchio avec A.I., qui souffrait d’un scénario idiot dû à Kubrick (eh oui !), mais il s’est bien rattrapé depuis, et son adaptation tintinesque Le secret de la Licorne est irréprochable, au point d’avoir eu les éloges des « Cahiers du Cinéma » (n° 676 de mars 2012).
En fait, au cinéma, Le petit prince a été adapté en Union soviétique en 1966,
en France en 1990, et en court-métrage cette année. À la télévision, il a donné lieu à un film en 1965 et deux séries en 1990 et 2010. Mais la meilleure adaptation a été faite sur disque, en 1952, avec deux grands acteurs, Gérard Philipe dans le rôle de l’aviateur, et Georges Poujouly dans celui du petit prince. Georges avait douze ans, et il venait de triompher dans son premier film, que vous connaissez bien sûr, Jeux interdits. Le disque a reçu le Prix du Disque 1953 de l’Académie Charles-Cros. Il y avait aussi Pierre Larquey, autre grand acteur très populaire, Michel Roux, acteur de théâtre (il fait la voix d’un des deux acteurs de Amicalement vôtre) et Jacques Grello, chansonnier de grand talent. Mais d’autres disques moins connus ont été enregistrés, notamment avec Jean-Louis Trintignant.Je vous reparlerai une autre fois de Georges Poujouly, qui ne méritait pas de tomber dans l’oubli.