La condamnation de Socrate
J’avais promis d’étoffer un peu mon article sur la mort de Socrate. Voici donc un petit complément.
En -399, alors qu’Athènes émergeait à peine de la désastreuse guerre du Péloponnèse qui l’avait ruinée, Socrate fut dénoncé par trois bons ciyoyens : le poète Mélétos, le politicien Anytos et l’orateur Lycon. On l’accusait de corruption de la jeunesse (sic) et de négligence des dieux de la cité, aggravée de pratique de nouveautés religieuses. En somme, à 70 ans, il était trop moderne ! Naturellement, tout cela était un peu bidon, et on lui reprochait surtout, quoique sans le dire ouvertement, son amitié amoureuse avec Alcibiade, qui, après avoir fait partie de la jeunesse dorée d’Athènes, avait fait le mauvais choix de se rapprocher de Sparte, et donc se retrouvait dans la peau d’un traître. En outre, Socrate déclara que lui-même était un bienfaiteur de la Cité, et qu’il devrait se trouver au Prytanée, c’est-à-dire logé et nourri aux frais d’Athènes ! Dont je rappelle que Socrate n’était PAS citoyen, et où il n’était pas unanimement respecté comme il l’est de nos jours, au point qu’Aristophane, dans Les nuées, dans Les oiseaux et dans Les guêpes, se moque de lui et en fait un phraseur délirant. Et puis, lui-même avait expliqué que seuls avaient le droit de gouverner ceux qui possédaient « le savoir », et qu’un homme du peuple ne le pouvait pas ! Socrate aggravait ainsi son cas, et le nombre des partisans de la peine de mort augmenta.
Il faut préciser un peu cette histoire de pratique de nouveautés religieuses : ce chef d’accusation se référait à des allusions se rapportant à une divinité inconnue, étrangère aux dieux d’Athènes, et qui se serait manifestée à Socrate comme son génie personnel, son « daimon », dont les commandements, à ce qu’il prétendait, étaient supérieurs à ceux de la religion.
Il y eut ainsi plus de trois cents voix sur cinq cents pour le condamner à mort. Mais enfin, tout cela sent le prétexte, et tendait à faire oublier les mauvais souvenirs politiques de la tyrannie sanglante des Quatre Cents (des oligarques), en -411, puis celle des Trente, en -404, où la démocratie athénienne avait failli sombrer. Il était donc important de prouver que « le peuple » (entendez : les citoyens aisés) avait repris les rènes de la Cité, en condamnant Socrate, dont deux disciples, Charmide et Critias, avaient été des meneurs des deux dictatures !
Finalement, tout cela a été avant tout politique, et l’Aréopage avait de solides raisons.