Wiesel remis à sa place
Je buvais du lait, ce matin, en écoutant la réaction de Claude Lanzmann à la mort d’Élie Wiesel. La préposée au journal de France Inter était Bernadette Chamonaz, et elle avait eu la très mauvaise idée de le faire venir pour dire du bien de l’envahissant bavard. La pauvrette... Si elle m’avait demandé, j’aurais pu lui dire que la spécialité de Lanzmann, lorsqu’on lui donne la parole, c’est de dire le contraire de ce qu’on espère de lui. Qualité rarissime qui le rapproche de Béatrice Dalle et me le rend très sympathique. C’est un peu hors sujet, mais, lorsque la télévision ivoirienne avait projeté son film Shoah, sur quatre jours à partir du 27 mars 1988, elle l’avait invité le cinquième jour à un débat en direct, présidé par la directrice de la télé locale – la première télévision africaine qui avait eu ce courage, soit dit en passant. Or les participants au débat n’avaient rien compris au film, et avaient enfourché leur dada favori : condamner l’esclavage. Lanzmann, questionné sur ce qu’il pensait de tout cela, avait dit qu’il se sentait « un petit peu triste », parce que le génocide antijuif n’avait aucun rapport avec l’esclavage, en ce sens qu’il a été unique dans toute l’Histoire, et que la célèbre solution finale visait à faire disparaître un peuple entier, sous le seul prétexte qu’il déplaisait au Führer. Mouchés, les autres débateurs ont dû se sentir ridicules, car ils l’étaient, par leur africanocentrisme... Mais enfin, en Afrique, on est très poli, et on ne contredit pas un invité, surtout étranger.
Bref, ce matin, loin de verser une larme sur la mort de Wiesel, qui n’avait pas eu un mot d’éloge sur Shoah parce qu’il s’estimait propriétaire de tout ce qui concerne ce « point de détail de l’Histoire » (je raille, là, c’est de Le Pen que je me paie la tête) et refusait aux autres la liberté d’en parler – mais Lanzmann aussi, notez bien –, le cher Lanzmann a un peu déboulonné la statue de ce ministre de la parole, qui, au fond, n’a rien FAIT. Oh pardon, il a aussi approuvé la politique d’Israël envers les Palestiniens, politique toute teintée d’humanisme comme on sait. Mais partout on se focalise sur le Prix Nobel de la Paix qu’en 1986 on a décerné à ce philosophe ; oubliant que le Prix Nobel de la Paix n’a aucune valeur, et qu’on l’a donné à Sadate et Begin (qui avaient débuté comme terroristes), à Henry Kissinger (qui a bien aidé à renverser Salvador Allende et à provoquer son suicide), à Barack Obama (qui garde sans jugement les incarcérés de Guantánamo), au GIEC (cénacle d’experts cooptés et autoproclamés) et à la sinistre « mère » Teresa, l’un des pires imposteurs du vingtième siècle.
Wiesel prétendait donc qu’on n’avait pas le droit de parler de la Shoah si on ne l’avait pas connue directement – comme lui, entendait-il. Bien sûr, cela visait Langmann, né en 1925 et qui n’a pas vécu la déportation. Mais ce dernier refuse cette condition extravagante, et a cité un film remarquable sorti le 4 novembre 2015, de László Nemes, Le fils de Saul. Or son auteur est né en 1977 !
Et si on rebaptisait le Prix Nobel de la Paix ? Prix Nobel de l’Imposture, ce ne serait pas mal, non ?