Edward Albee
D’Edward Albee, auteur dramatique mort hier à l’âge de 88 ans, je n’ai vu que deux pièces : Qui a peur de Virginia Woolf, la seule que le « grand » public connaît, et A delicate balance, qu’un directeur de théâtre sans doute inculte a fait jouer en France sous le titre « Délicate balance », ce qui ne signifie absolument rien (en quoi une balance pourrait-elle être délicate ? En fait, cette expression devrait être traduite par « équilibre instable », titre qui serait bien dans l’esprit de la pièce et de l’auteur).
La première, surtout connue à cause du film de Mike Nichols en 1966 (c’était sa première réalisation) que jouaient Richard Burton et Liz Taylor et dont j’ai le DVD, ne parle pas du tout de l’écrivain Virginia Woolf ! Ce titre vient d’un jeu de mot sur woolf, qui signifie aussi loup, et, dans une scène satirique, les deux époux, pour se défier mutuellement, chantent Qui a peur du Grand Méchant Loup ?, chanson composée pour un dessin animé de Walt Disney, Les trois petits cochons, sorti en 1933 et qui durait neuf minutes.
À vrai dire, je ne regarde pas souvent ce film, que je trouve un peu malsain, artificiel, et tiré par les cheveux, car la scène de ménage entre ces deux alcooliques est censée durer presque toute la nuit, et la bagarre est sans cesse relancée, afin de conserver le suspense jusqu’à la fin : George et Martha se disputent à propos de la mort de leur fils, or on apprend à la fin que ce fils n’a jamais existé !
J’ai un double soupçon : le succès du film vient de ce que ses deux interprètes principaux ont été mariés et ont divorcé deux fois, et n’ont pas eu beaucoup de mal à faire passer qu’ils étaient directement concernés par le sujet. Et l’auteur lui-même, blessé par le fait que ses parents n’ont pas admis son homosexualité, chargeait au maximum l’institution parentale.
En France, on sait que les deux acteurs qui ont créé la pièce sur scène, Madeleine Robinson et Raymond Gérôme, se sont franchement détestés, surtout à cause de la vedette féminine, qui avait si bien assimilé la haine de son personnage que cela rejaillissait sur ses relations avec son partenaire ! Et, quand la pièce a été reprise à Paris en 1996, le même phénomène est apparu, puisque Niels Arestrup et Myriam Boyer (la mère de Clovis Cornillac) se sont tant détestés qu’il a fallu remplacer la seconde par Catherine Arditi. Une pièce maudite ?