Viré parce qu’il en savait trop
Il y a quelques jours, je vous annonçais que je vous dirais pour quelle raison Clark Gable a fait renvoyer George Cukor de la réalisation d’Autant en emporte le vent. Cela s’est passé le 13 février 1939, et ce pauvre Cukor avait à peine eu le temps de tourner la séquence de l’incendie d’Atlanta, faite en brûlant les décors... de King Kong, qu’on avait conservés depuis 1933.
Mais pourquoi Gable a-t-il voulu se débarrasser d’un aussi bon metteur en scène ? Pas parce que le remplaçant de Cukor, l’estimable Victor Fleming (Le magicien d’Oz, sorti le 12 août de la même année, c’était de lui), était un de ses copains ; plutôt parce que Cukor était un témoin gênant de ses débuts à Hollywood ! Et Gable craignait une certaine révélation. D’ailleurs, les notes que le producteur David Selznick avait prises sur ce renvoi ont été totalement détruites.
L’origine de cette affaire remontait à quinze ans plus tôt, quand un certain William Haines était alors une vedette de la Metro Goldwyn Mayer. Il était né le 1er janvier 1900, et fut engagé à la MGM en 1922, où il joua dans une demi-douzaine de films par an, pendant six ans, avec un tas de vedettes et sous la direction de plusieurs grands réalisateurs. Il y incarnait les jeunes hommes charmants, athlétiques et désinvoltes. Or il était ouvertement homosexuel, et son producteur, Irving Thalberg, que ses manières agaçaient, ne le soutint pas quand Louis B. Mayer, le patron des studios, décida de le renvoyer. Haines se reconvertit en décorateur d’intérieur, réussit très bien, aménagea la maison que Carole Lombard venait d’acquérir, et ils devinrent amis. Il décora aussi en 1937 la maison de George Cukor, et devint aussi son ami.
Or, non seulement Gable connaissait tout cela puisqu’il avait épousé Carole Lombard, mais lui-même, alors qu’il n’était encore que figurant, avait, pour faire avancer sa carrière, laissé maintes fois Haines, alors célèbre, lui faire des fellations. Et Cukor, homosexuel lui-même, n’en ignorait rien !
Si bien que Gable, horriblement gêné de devoir travailler sous la direction de quelqu’un qui connaissait son passé, a préféré le faire virer.
À quoi tiennent les carrières... Le film aurait été meilleur avec Cukor, c’est certain.