Éloge (très retenu) de Sodexo
Voilà un an que je suis sorti de l’hôpital, après une opération du cancer du foie. Quelques jours après, je m’étais fait admettre dans une maison de convalescence, dont je garde un souvenir mitigé : agréable pour le personnel jeune, infirmières et moniteurs de rééducation, gentils, capables et dévoués ; exécrable pour l’infirmière-chef, quinquagénaire autoritaire et qui ne savait même pas faire les piqûres sous-cutanées, et pour le médecin qui m’a traité deux fois de « connard » parce qu’au bout de vingt-cinq jours, je suis parti sans lui demander son autorisation ; aussi mauvais pour l’impossibilité de dormir la nuit sans être perturbé par les bips saugrenus déclenchés dans les couloirs par les appels des patients ; et dégoûté à cause de la nourriture.
Ces repas sans goût et mal présentés étaient préparés, livrés et servis par la firme Sodexo, qui avait évincé les cuisiniers authentiques auquels ce service était confié auparavant. Or je me suis un peu renseigné, et voici ce que je sais de Sodexo. Je précise que je n’ai pas jeté même un coup d’œil sur Wikipédia, car je sors sans ma nourrice.
Cette firme était à l’origine une Petite et Moyenne Entreprise, installée à Marseille, et fondée par un certain Pierre Bellon, auquel a succédé sa fille Sophie, âgée de 55 ans et diplômée de l’EDHEC (École Des Hautes Études Commerciales car, dans ce milieu, on ne fait que de « hautes études »), établissement basé à Lille, mais qui a des antennes à Nice, Paris, Londres et Singapour. Sophie a rejoint la boîte de son paternel en 1994, et elle a été la première femme à diriger une entreprise du CAC 40 – indice boursier qui existe depuis 1987.
Sodexo, qui a plus de 425 000 salariés, est le dix-huitième employeur au monde, et le premier employeur privé français à l’étranger. Il a une capitalisation boursière de 15,5 milliards d’euros, et on prévoit que son chiffres d’affaires, en 2017, sera de 21,4 milliards d’euros, en progrès de 4,1 %, ainsi réparti : 43 % en Amérique du Nord – l’endroit au monde où l’on apprécie le plus la gastronomie –, 30 % en Europe, 11 % au Royaume-Uni et en Irlande, et 16 % dans le reste du monde. Il vend 30,5 % de sa camelote aux entreprises et administrations ; 21,7 % dans l’Éducation (cantines des écoles, lycées, collèges, universités) ; 19,2 % aux établissements de santé (dont celui où j’ai séjourné) ; 7,4 % au secteur « Bases de vie » (je ne sais pas ce que c’est) ; 5,8 % aux maisons de retraite ; 4,5 % aux activités de loisir et aux établissements de sport (n’en concluez pas que vos chers footballeurs se nourrissent de cette tambouille ignoble) ; 4 % au secteur « Avantages et récompenses » (je ne connais pas, on ne me récompense jamais) ; 3,6 % à l’armée ; et 3,3 % à la Justice.
Voilà, bon appétit si vous êtes à table, comme on dit à la radio. Autrefois, on flanquait en taule ou en décapitait les empoisonneurs, aujourd’hui, la marquise de Brinvilliers serait PDG de Sodexo et cotée en Bourse.