« Quand les brochets font courir les carpes »
Je n’avais jamais eu l’occasion de lire les romans policiers de Jean-Louis Debré, dont je parlais hier, et, ma foi, je n’avais pas perdu grand-chose. Debré en est à son troisième roman policier, après Le curieux, en 1986, et Pièges, en 1998. C’est dans le premier qu’il avait introduit le personnage d’une prostituée nommée Josiane Baladur (sic), ce qui avait beaucoup plu au futur Premier ministre, mais il avait prétendu que ce coup de griffe était involontaire ! Bien entendu, tout le monde l’avait cru sur parole.
Son dernier roman s’intitule donc Quand les brochets font courir les carpes, titre hardiment imagé. Il se passe dans les milieux politiques français d’aujourd’hui, via le récit d’une mince intrigue racontée par un professeur de collège un peu naïf qui est devenu le nègre d’une toute nouvelle secrétaire d’État passée de la gauche à la droite, comme tout le monde.
Debré écrit moyennement bien. Son style désuet est en général correct, à quelques exceptions près, comme ce verbe débuter employé deux fois comme transitif, alors qu’il ne l’est pas, ou quelques erreurs de ponctuation. Mais son principal mérite est de montrer que l’occupation principale des membres du gouvernement actuel n’est certainement pas de gouverner ; plutôt d’occuper le terrain médiatique. Pour eux, il s’agit avant tout d’« exister », c’est-à-dire se faire entendre à la radio, se montrer à la télévision, et, fort cyniquement, exiger de leurs collaborateurs qu’ils se consacrent avant tout à défendre l’image de leurs patrons. On sait bien que c’est ainsi que cela se passe, mais le voir écrit par un homme du sérail, c’est encore mieux.
Au passage, on note les allusions et coups de pied sous la table, notamment en direction de Kouchner, pas nommé cependant. Sarkozy et Fillon ne sont pas nommés non plus, uniquement désignés par leur titre, et, si Fillon fait une apparition dans une courte scène, jamais Sarkozy n’est un personnage du récit. En revanche, Chirac est nommé, ainsi que... Debré lui-même, comme ancien et excellent président (c’est lui qui le dit !) de l’Assemblée nationale. On rit sous cape. Et puis, le récit est bourré de détails sur le fonctionnement de la police, et là, on fait confiance à l’auteur, ancien ministre de l’Intérieur.
À quand un roman policier signé de Charles Pasqua ?