Adieu, très cher AAA !

Publié le par Yves-André Samère

C’est pratiquement acquis, le fameux AAA dont nos gouvernants étaient si fiers va nous être retiré, et rien ne sert, ni de se lamenter, ni d’appeler à interdire l’activité des agences de notation – ou du moins la publication de leurs verdicts –, en vertu du principe que, si on casse le thermomètre, la fièvre disparaît !

Cet AAA signifiait que la France payait ses dettes, quelle que fût la situation. Dans son dernier livre, L’échéance, écrit en collaboration avec Irène Inchauspé, le journaliste indépendant François de Closets rappelle que la France n’a pas connu la banqueroute, c’est-à-dire l’impossibilité de payer ses dettes, depuis… 1797, sous le Directoire. Toujours solvable, malgré les guerres. Le secret ? Le pays était maître de ses finances et de sa monnaie !

Le système était très simple : attendu qu’un gouvernement a toujours besoin d’argent pour ses fins de mois, il disposait de quatre sources : 1. réduire les dépenses publiques ; 2. augmenter les impôts ; 3. recourir à l’emprunt ; 4. recourir à l’inflation. Ces deux derniers moyens sont très intéressants, car infaillibles.

Recourir à l’emprunt est un procédé pitoresque, puisqu’il consiste à se prêter de l’argent à soi-même ! Je simplifie, naturellement. En fait, l’État demande à ses citoyens de lui prêter cet argent, et lui remet en échange des Bons du Trésor, remboursables à telle date pour tel montant, évidemment un peu supérieur à la valeur initiale. Ce truc a toujours fonctionné, et certains emprunts sont restés célèbres. Par exemple, l’emprunt Pinay : le ministre des Finances Antoine Pinay avait imaginé que l’argent qui serait remboursé par l’État échapperait à la taxation frappant les héritages ; de sorte que, chaque fois qu’un riche sentait venir sa fin prochaine, il convertissait une partie de sa fortune en emprunt Pinay, et ses héritiers n’avaient rien à payer lorsqu’ils percevaient leur part d’héritage sous cette forme ! Ingénieux, et l’emprunt Pinay eut un succès fou… Balladur aussi, comme Premier ministre, créa « son » emprunt, qui marcha très bien.

Recourir à l’inflation est également fort pratique. Cela permet d’augmenter les dépenses publiques, en particulier les salaires, et l’argent nécessaire vient… de la « planche à billets » ! Aucune limite, l’État était maître de fabriquer autant de francs qu’il le voulait. Bien sûr, tout le monde le savait et en ricanait, mais qu’importaient les ricanements, dès lors que chacun y trouvait son compte ? Les syndicats n’allaient tout de même pas décréter une grève parce que le gouvernement augmentait les salaires des travailleurs ! Ce procédé est toujours en vigueur aux États-Unis, nul ne l’ignore, et continuera tant que le dollar restera une monnaie reconnue mondialement. Il est notoire que la Chine en possède des masses, et ne s’en plaint pas, puisque c’est un excellent moyen de chantage envers son emprunteur.

Hélas pour nous, la France n’a plus la possibilité d’avoir recourir aux deux trucs dont je viens de faire l’éloge. D’une part, la planche à billets est morte depuis que notre monnaie est l’euro, que nous ne fabriquons pas à volonté ; d’autre part, nous avons pris l’habitude d’emprunter aux investisseurs privés, et ce sont eux qui exigent de connaître la note que nous décernent les agences de notation : moins elle est bonne, plus le taux qu’ils nous appliquent est élevé.

On n’en sortira pas.

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