Austérité, ou rigueur ?
S’endetter, nul de censé n’aime ça. Et il faut être bête comme un Yankee du Middle West pour croire qu’on peut payer les dettes créées sur une carte de crédit en « tirant » sur... une autre carte de crédit ! Cela revient à creuser un trou pour en combler un autre, à ce détail près que le second trou est toujours plus gros que le premier (à cause des intérêts).
Il n’est donc pas étonnant qu’un gouvernement, et pas seulement le nôtre, ait le souci de diminuer la dette du pays, et lance une politique, non pas de rigueur puisque c’est là un gros mot, mais d’austérité. Eh oui, en économie, les mots n’ont pas tout à fait le même sens que dans la vie normale, et l’on semble estimer qu’il vaut mieux être austère que rigoureux. Il faudrait offrir un dictionnaire à nos ministres... Par conséquent, eux-mêmes annoncent presque tous qu’ils vont tenter de dépenser moins.
Le hic, c’est ceci : ce qui fonctionne bien chez monsieur Tout-le-monde ne fonctionne pas du tout à l’échelle d’un pays entier ! Vous allez m’objecter que je me contredis, puisque, avant-hier, je rappelais que la Finlande avait redressé son économie grâce à un programme drastique... approuvé par les syndicats. Donc l’austérité a marché. Oui, mais c’était dans les années 1990. Aujourd’hui, deux décennies plus tard, l’Europe a changé, admettant toujours en son sein davantage de pays qui n’ont pas la taille économique du nôtre ou de l’Allemagne, et les interactions ont aussi augmenté ; si bien que toute mesure interne a des répercussions à l’étranger.
Aussi voit-on que les politiques d’austérité n’ont plus le même effet, et tout effort (hausse d’impôt ou baisse des dépenses publiques) ampute l’activité économique du pays qui l’entreprend. Par exemple, l’Espagne et la Grèce sont dans un tel état de décrépitude que les mesures d’austérité qu’elles peuvent prendre, loin de réduire le déficit, ont pour conséquence d’accentuer la dépression.
Souvent, on cite également en exemple le Canada, parvenu à assainir sa dette à peu près à la même époque que la Finlande ; mais alors, il n’était pas seul à pratiquer l’austérité, il se trouvait dans une période de conjoncture favorable, et... il avait dévalué sa monnaie, ce que nous ne pouvons plus faire, puisque la nôtre ne nous appartient plus. La situation était donc bien différente.
Un mot du dernier traité budgétaire : il impose de réduire le déficit structurel (celui qui ne compte pas les effets de la conjoncture, donc), de 0,5 % par an dès qu’il dépasse 0,5 %. Attention, il ne s’agit pas du déficit public, celui qui ne « devrait » pas dépasser 3 % du PIB, et qui, lui, est impacté – comme disent les technocrates – par l’inflation. Or, selon les calculs de l’Observatoire Français des Conjonctures Économiques, la France aura dès l’année prochaine un déficit structurel de 0,3 % ! Il est donc inutile d’en faire trop.
Cela dit, le gouvernement rêve, ou nous fait rêver, s’il pense que le déficit public descendra à 3,5 % l’année prochaine. Mais là, c’est sans aucune importance, ce seuil de 3 % du PIB n’est ni dans la Bible ni dans le Code pénal, il a été fixé au pifomètre, par de pseudo-experts, au sortir d’un dîner bien arrosé (l’histoire est connue), et n’a AUCUNE validité ! On peut s’asseoir dessus sans le moindre remords.