La succession de Bernard Thomas
Bernard Thomas, âgé de 75 ans, est mort il y a un mois ou deux dans le train entre Paris et la Bretagne où il vivait. Il écrivait dans « Le Canard enchaîné », où il était titulaire des chroniques du théâtre, et de la télévision depuis la mort d’Yvan Audouard. Ses chroniques de théâtre étaient assez bonnes, il faisait ce travail sérieusement. En revanche, il traitait avec beaucoup de paresse ses critiques de télévision, et je soupçonne qu’il ne la regardait jamais ! En effet, comme tous les critiques, il recevait par avance les DVD des émissions, en regardait un et rapportait brièvement ce qu’il y avait vu, avec parfois un bref commentaire. Le minimum syndical, mais, vous allez voir, il y a pis.
Thomas a aussi participé, comme critique de théâtre, à l’émission de France Inter Le masque et la plume, qui n’a lieu qu’une semaine sur quatre, et où il venait de temps en temps seulement. Là, il se signalait surtout par sa fumisterie, et ne parlait que des jambes de l’actrice principale. Mais, depuis quelques années, il ne venait plus, et peu après sa mort, Jérôme Garcin, qui produit et présente l’émission, s’est fendu d’un très bref éloge qui n’avait rien à voir avec celui dont il avait salué le décès, en juin dernier, d’André Degaine, le meilleur connaisseur en France du théâtre mondial, mais qui était historien et non pas critique. J’aimais beaucoup monsieur Degaine, que j’ai rencontré plusieurs fois pour parler de théâtre avec lui, et qui était un érudit et un homme charmant. Il s’asseyait toujours dans le public, au premier rang, intervenait quand il le désirait, et jamais ne disait de bêtise – ce qui n’est pas le cas de tous les critiques de métier ! L’éloge funèbre de Thomas par Garcin n’a guère été commenté par ses collègues critiques de l’émission, et j’ai eu l’impression qu’il n’était pas très apprécié.
Au « Canard », sa succession ne se passe pas bien, car on n’a trouvé que des intérimaires. Le pire me paraît être Sorj Chalandon, un écrivain un peu abscons, et qui fait son office, critiquer la télé, avec encore plus de désinvolture que Thomas. Ainsi, la moitié de son dernier papier, sur Marine Le Pen invitée dans une émission de TF1, se contente de recopier platement les répliques échangées sur le plateau, principalement les reproches que Michel Field adresse à l’invitée. Aucun commentaire ! Sorj Chalandon, l’homme qui transforme un journal en magnétophone...