Les gros mots

Publié le par Yves-André Samère

Avant-hier, ici même, j’ai traité de « con authentique » Olivier Besancenot, et je ne regrette rien, car cela me démangeait depuis plusieurs années. Ce type, qui a autant de baratin que Jamel Debbouze et Loránt Deutsch, mais sans la cocasserie du premier ni le talent du second – je fais exprès de ne pas citer Luchini –, possède, à près de quarante ans, la mentalité primaire d’un collégien en situation d’échec scolaire dans une classe de transition de la Seine-Saint-Denis (j’emprunte cette blague à un humoriste qui l’a tellement utilisée qu’elle est tombée dans le domaine public depuis au moins dix ans). Il parvient, par son esprit de système, à être encore plus prévisible que Mélenchon.

Donc, pas de regrets, encore moins d’excuses puisque, pesant chacun de mes mots, je ne me mets jamais dans la situation de devoir en faire, mais une petite réflexion sur le vocabulaire : je dis et j’écris rarement ce qu’on qualifie de « gros mots ». Non pas que je me censure ou que je craigne de « choquer » – quelle ânerie, j’y reviendrai. Non. Simplement, j’ai été si bien élevé par des parents pointilleux que j’en étais arrivé à EN dire beaucoup moins qu’eux, ce qui n’a pas manqué de leur paraître un peu bizarre – comme quoi, il ne faut pas pousser trop loin l’éducation de ses enfants, ils finissent par ressembler aux voisins du dessus. Mais à chacun sa vocation, moi, c’est l’Académie française que je vise, comme Stéphane Bern et ce lycéen de quinze ans dont la radio nous a parlé ce matin. Il n’a aucune chance, mais Bern, si, rendez-vous dans quinze ou vingt ans.

Ce n’est pas que j’ignore le vocabulaire de Bigard ou de Cyril Hanouna, mais j’ai sur eux cet avantage de savoir ce qu’est la litote (ils doivent croire que c’est une variétés de fromage) : savoir dire plus en disant moins. Dans sa pièce La ville dont le prince est un enfant, Montherlant fournit un bon exemple, en citant le Suréna de Corneille : « C’est quand on dit moins que ce qui est. Quand Suréna et Eurydice se sont quittés en s’aimant du fond de leur cœur, mais Eurydice dit seulement : notre adieu ne fut point un adieu d’ennemis ». Et lisez Guitry, le roi des misogynes : il flingue les femmes trois fois par page, sans jamais un mot plus haut que l’autre. Même dans sa pièce Le mot de Cambronne, il ne prononce pas le fameux mot (en fait, il le fait dire par celle qui a été sa dernière épouse, Jacqueline Delubac).

Bref, je suis très capable d’écrire bite, con, couilles, putain, bordel et enculer, PUISQUE je suis allé à l’école, mais je sais que cela ne sert à rien, ne renforce rien, ne fait que détourner l’attention de l’essentiel : le sens. En revanche, il y a des mots que je n’ai JAMAIS prononcés, même dans mon enfance. Ceux qui discriminent telle ou telle catégorie de la population, les Arabes, les Noirs, les Asiatiques, les Juifs, les homosexuels, et tout ce que vous pouvez imaginer. Là, ça ne passe pas. Et donc, je ne les écris pas non plus ici. Cherchez ailleurs.

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