Pourquoi traquer Trapenard ?

Publié le par Yves-André Samère

Un de mes lecteurs râle, parce que j’ai un peu asticoté le chroniqueur littéraire du Grand Journal, ce pauvre Augustin Trapenard. Outre que ce lecteur n’a pas compris – mais c’est classique – que j’exerce mon humour sur les gens qu’on paie royalement pour venir parader et se prendre au sérieux devant les caméras, il n’a pas vu non plus à quoi tend cet humour dans le cas présent. Or je ne demande pas mieux que d’expliquer.

Le fond du problème, c’est que, lorsqu’on veut convaincre les spectateurs d’un film ou les téléspectateurs d’une émission de télé, on doit prendre garde à ceci : le visuel ne doit pas polluer le propos ! Vous ne comprenez pas ce langage de cuistre ? Ça m’apprendra à parler plus clairement ! Ce que je veux dire, c’est que, si on vous filme en train de parler, votre comportement et votre apparence ne doivent pas distraire ceux qui vous regardent de ce que vous voulez leur faire entendre.

J’ai repensé à cela, la semaine dernière, en revoyant l’excellent film de Billy Wilder adapté d’Agatha Christie, Témoin à charge. On y voit une scène de tribunal, dans laquelle l’avocat de la défense, joué par Charles Laughton, joue avec les petites pilules d’un médicament qu’il doit prendre régulièrement, pendant que le procureur interroge un témoin. Ce jeu de scène est destiné à faire comprendre au spectateur que Charles Laughton dédaigne ce qui se dit à ce moment-là. Or il est important que le spectateur écoute ce que disent le témoin et le procureur, mais, absorbé par le manège de Laughton, il n’écoute pas ! Et donc la scène est perdue. Erreur de mise en scène... Et si vous voulez une explication encore plus claire, je vous conseille de relire mon analyse du film de Kubrick Orange mécanique, dans laquelle, à propos de la conversation entre Alex et l’aumônier de la prison, je développe cette particularité de la mise en scène – une question que je connais assez bien.

Et donc, pour en revenir au point de départ, même si Augustin Trapenard tient des propos intéressants et intelligents, on ne voit que ses tics, on ne l’écoute plus au bout de quelques secondes, et son travail est gâché. Dans les mois précédents, j’ai souvent critiqué Marie Colmant, qui est une bonne journaliste, mais à l’écrit seulement. Dès qu’elle parle, on n’entend plus que ses tics verbaux, dont l’obsédant et ridicule « Voilà ! », et l’essentiel est perdu. Mais à qui la faute ?

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :