« Préféré des Français »
Je ne tiens pas spécialement à faire ici une chronique de la télévision, mais enfin, parfois, ce qu’on y voit vous incite à quelques réflexions. Ainsi, hier soir (ou était-ce avant-hier soir ? On ne sait plus, tant les programmes se ressemblent), le Grand Journal de Canal Plus invitait Yannick Noah, sous le prétexte loufoque qu’il serait la personnalité préférée des Français. Je ne sais pas en quoi on devrait le préférer aux soixante-cinq millions d’autres Français, ni comment on a pu savoir que les Français le préféraient, hormis via un sondage dont on sait à quel point ils reposent sur des enquêtes sérieuses et complètes (voyez ce voleur de Chirac – je dis bien VOLEUR – promu personnalité politique préférée des Français, en attendant que Bernard Tapie le remplace juste après sa mort). Mais c’est un fait, il est en tête du classement, ce classement fût-il aussi bidon que les convictions trotskistes de madame de Fontenay.
Yannick Noah a été champion de tennis il y a fort longtemps (il a commencé à jouer au tennis sous Pompidou, vous vous rendez compte ?), ce qui est sympathique, mais pas follement utile. Puis il s’est mis à chanter, et là, je me retire sur un terrain préparé à l’avance par Pierre Desproges, qui disait « Je ne comprends pas qu’on chante ». Je ne suis pas féroce, je n’exige pas qu’on ouvre des camps de concentration pour les chanteurs, mais enfin, à la rigueur, une réserve, comme pour les Indiens... Passons, je vais me faire mal voir, sinon.
Au fond, Yannick Noah est préféré parce que les gens le voient à la télé. Ce qui justifie qu’on l’invite à la télé. C’est un cycle infernal, dont il aura du mal à sortir, le pauvre. Je le plains. Car enfin, la célébrité, ce n’est pas rose tous les jours, et on y perd sa tranquillité (qui est avec la santé le bien le plus précieux – histoire de caser ici un cliché). Mais peu importe, qu’il s’arrange avec lui-même. Ce qui m’importe, c’est qu’en l’écoutant répéter des phrases bien-pensantes, toutes conclues par le célèbre « Voilà ! », gluantes d’un humanisme recuit et ressassées cent fois par jour dans tous les médias, il m’est venue la pensée horrible que, si j’étais obligé de passer une soirée entière avec lui, je me ferais suer comme un croûton de pain derrière une malle. À supposer qu’un croûton puisse suer.