Sherlock sur Mars ?

Publié le par Yves-André Samère

J’ai déjà écrit tout le bien que je pensais de la série britannique Sherlock, d’après les romans et nouvelles de Sir Arthur Conan Doyle. Pourtant, d’une façon générale, je ne suis guère partisan de transposer à notre époque des histoires qui se passaient autrefois. L’écueil est en effet de garder les péripéties et parfois le dialogue de l’œuvre originelle (je pense au ridicule Romeo + Juliet de Baz Luhrmann), parce qu’il y aura toujours un détail qui cloche. Par exemple, dans cette adaptation ratée de Shakespeare, vouloir conserver cette péripétie qui fait avertir Roméo, exilé à Mantoue, et par une simple lettre, que sa belle feint la mort et n’attend que son retour à Vérone, était une stupidité, une fois transposée à l’époque moderne : aujourd’hui, le drame final serait impossible, les époux se téléphoneraient, et on éviterait le quiproquo et les deux suicides de l’épilogue !

Donc, comme disait le prince Salina dans Le guépard, il faut tout changer si l’on veut que tout reste comme avant. Et, dans Sherlock, Steven Moffat, l’auteur, a effectivement tout changé : le siècle, les décors, l’âge des personnages, leur habitudes, leurs moyens d’action, leurs rapports avec les gens, tout. Mais c’est fait avec une telle intelligence que l’essentiel est préservé, à savoir la psychologie de Watson et d’Holmes, leurs caractères complètement opposés, et... leurs disputes, facteur capital qui fait souvent avancer l’action.

J’en profite pour dire que cette opinion très répandue selon laquelle, au théâtre, les grandes pièces classiques sont universelles et intemporelles, autrement dit, que les situations qu’elles montrent sont de tous les temps, me semble infondée. Aujourd’hui, le faux dévot Tartuffe ne pourrait évincer les héritiers naturels d’Orgon, car la loi s’y oppose, ni capter leur héritage et obtenir la donation de tous les biens de sa dupe en moins de vingt-quatre heures – et, d’ailleurs, le chef de l’État n’interviendrait pas non plus pour empêcher la spoliation. Le domestique Ruy Blas ne se propulserait pas à la tête du gouvernement parce qu’il plaît à la reine. Rodrigue ne gagnerait pas une guerre dans le courant de la nuit, ni ne ferait oublier si vite à Chimène le meurtre de son père. Harpagon ne pourrait pas prêter à son fils Cléante une forte somme à 25 % d’intérêts. Horace ne se débarrasserait pas des trois frères Curiace en les séparant par un sprint. Othello se renseignerait un peu avant d’étrangler sa femme sur un simple soupçon né du prêt d’un mouchoir (!). Et jamais Arlequin ne passerait pour Dorante, son patron, qui du reste ne se ferait pas accompagner de son domestique, quand le père de sa fiancée (qu’il n’a jamais vue !), l’invite chez lui.

Mais rien ne résiste à la mode, surtout si elle est absurde. J’imagine qu’un jour, on jouera le Huis-clos de Sartre en costumes de cosmonautes, et que l’action se situera sur Mars.

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