Une idée qui sauvera la France
La France est dans la panade, car les caisses sont vides. Et quand votre coffre-fort sonne encore plus creux que la boîte crânienne de Régis Mailhot ou de Frédéric Lopez, vous n’avez plus qu’une ressource, vendre vos bijoux de famille : collections de tableaux impressionnistes voire gribouillages de Picasso, tirages à part de la première impression de la Bible, originaux des premiers graffiti de Lascaux – dont la première affiche annonçant le tour de chant de Line Renaud au Casino de Paris, et je remercie Thierry Le Luron qui a inventé cette blague –, brouillon original du programme commun de la gauche signé conjointement par Mitterrand et Marchais, texte du discours de Juliette Binoche à Cannes en mai 2010... Bref, tout ce qui a de la valeur.
Eh bien, une idée m’est venue, à partir de la lecture du dernier livre de Roland Moreno Victoire du bordel ambiant. Le défunt inventeur de la carte à mémoire, devant le bureau duquel je passais souvent rue Danton, y soutenait que, objectivement, il n’y a rien qui distingue, aux yeux du profane, une œuvre originale de sa copie. En effet, je me suis pris un jour de passion pour une sculpture antique représentant une tête d’enfant, celle d’Annius Verus, premier fils et héritier de l’empereur Marc-Aurèle, mais qui n’a pas régné puisqu’il est mort à l’âge de neuf ans (à la place, les Romains ont eu ce crétin de Commode), et qui est exposée dans une salle des antiquités grecques et romaines du Louvre (en fait, le Louvre a rectifié l’étiquette, et n’annonce plus qu’un « Prince de la famille des Antonins », mais laissez-moi rêver en dehors des occasions que m’offre la pub du parfum Shalimar). Vous verrez une photo beaucoup plus grande ICI. Je brûlais d’acquérir cette sculpture, or, voyez comme ils sont au Louvre, on a refusé de me la vendre. Pourtant, j’ai les moyens, avec L’Oréal...
Je me suis donc résolu à en acheter une copie dans leur magasin, et si vous en doutez, je suis prêt à publier une photo. À présent, elle trône sur mon piano, je la vois tous les jours, et, le croiriez-vous, le fait que ce ne soit pas l’original m’est complètement égal, puisque je ne vois aucune différence (qui a crié « Pas étonnant, inculte comme tu es ! » ?).
Par conséquent, réfléchissons un peu : il existe au Louvre, entreposées dans des réserves auxquelles le public n’a jamais eu accès, des milliers d’œuvres que les dirigeants du Louvre y ont accumulées, et dont ils ont dû penser qu’elles valaient la peine d’être achetées, mais qu’on n’expose jamais – beau gaspillage de nos sous –, car il n’y a pas la place, ni le moindre espoir qu’on puisse en faire un jour, puisque le Louvre a déjà été agrandi sous Mitterrand (en absorbant le ministère des Finances), et que ça n’a pas suffi. Donc, il serait souhaitable de revendre ces œuvres à quiconque en voudrait !
Vous allez me dire que, puisqu’elles n’ont jamais été vues, tout le monde ignore leur existence, et donc les acheteurs ne se bousculeront pas. Mais alors, pourquoi ne pas vendre plutôt la Joconde et la Vénus de Milo (pour la Victoire de Samothrace, c’est difficile, elle est en réparation) ? Je pense que les Japonais, qui se pressent en masses compactes devant ces œuvres, seraient ravis de les acquérir. Et la France y gagnerait une réputation qui compenserait sa célèbre mesquinerie.
De toute façon, là où elle est encastrée, derrière des barrières et sous une épaisse plaque de verre, la Joconde remplacée par une copie, voire une photocopie, qui donc verrait que ce n’est pas la vraie ?