Vous ne savez pas, mais Rue89 SAIT !
Ces journalistes sont tous les mêmes : dès qu’ils apprennent une chose qu’ils croient inédite, ils s’empressent de publier un article triomphal pour nous la faire connaître, à nous foules ignares. Ah, merci, merci... Et tant pis si, en fait, comme certains maris, ils sont les derniers à être au courant.
Ainsi, aujourd’hui, le site Rue89, qui appartient au « Nouvel Observateur », prend prétexte d’une démarche saugrenue de Najat Vallaud-Belkacem, ministresse d’on ne sait trop quoi, qui a décidé d’aller présider à Rouen, le 30 de ce mois, la fête de Jeanne « d’Arc », brûlée vive en cette ville le 30 mai 1431. Rue89 saute sur cette occasion pour publier un article modestement intitulé Huit choses que vous ne savez sans doute pas sur Jeanne d’Arc, sous la signature de Pascal Riché. Eh oui, nous ne savons « sans doute pas », mais Pascal, LUI, sait !
Je résume et je commente en même temps :
1. Elle ne s’appelle pas Jeanne d’Arc. Mille regrets, je le savais, j’en ai même parlé avant-hier, ICI. Je tiens ma science d’Henri Guillemin (oui, moi, je rends à César, etc.), qui a publié son livre Jeanne, dite Jeanne d’Arc, chez Gallimard, en 1970.
2. Elle n’est pas née le 6 janvier 1412. Mille regrets, je le savais, j’en ai parlé je ne sais plus quand. Lors de son procès, on lui a demandé son âge, elle a répondu qu’elle ne savait pas, que c’était peut-être dix-neuf ans, mais qu’elle n’en était pas sûre. Par conséquent, elle ignorait l’année de sa naissance. À plus forte raison, le jour.
3. Elle ne gardait pas les moutons. Mille regrets, je le savais et j’en ai parlé. À son procès, je l’ai dit en toutes lettres, elle a dit que jamais elle n’avait gardé « les bêtes ». Son père, qui était aisé au point d’avoir loué l’un des deux châteaux du coin, avait de quoi s’offrir les services d’une gardienne de moutons qui ne fût pas sa fille. Mais cela, Pascal Riché ne le sait pas.
4. Elle a un accent à couper au couteau. Non, sans blague ? Elle vit depuis sa naissance à la campagne, et elle a un accent provincial ? Belle découverte.
5. Elle a eu un procès avec un amoureux. Mille regrets, je le savais. Elle s’était engagée à l’âge de seize ans, mais elle a rompu, et le fiancé l’a assignée devant le tribunal de Reims, où il a été débouté parce qu’il n’avait pas de preuves.
6. Son arrivée à Chinon était très attendue. Mille regrets, je le savais, car elle avait reçu à Vaucouleurs le messager royal Collet de Vienne et l’archer Richard, le 19 février 1429, et elle était accompagnée durant son voyage par deux jeunes membres de l’aristocratie, Bertrand de Poulengy et Jean de Novelompont, dit Jean de Metz, qui devaient la présenter à la Cour. Son voyage de Vaucouleurs à Chinon, qui a été assez long, s’est évidemment accompagné d’un certain buzz, pour parler comme sur Internet. Car Yolande d’Aragon, belle-mère du roi et qui avait tout organisé, avait bien sûr fait le nécessaire pour que son arrivée ne passât pas inaperçue.
7. Le seul portrait fait du vivant de Jeanne d’Arc est imaginaire. Mille regrets, mais tout le monde le savait. Il n’existe non plus aucune description de son aspect physique. On sait seulement, parce que la robe qu’on lui a fait confectionner n’a employé que deux toises de tissu, qu’elle n’était pas très grande. C’est tout.
8. Jeanne n’a pas été brûlée pour sorcellerie mais parce qu’elle portait des habits d’homme. Mille regrets, mais tout le monde le savait. C’était déjà connu à l’époque où Ingrid Bergman a joué son personnage dans un film de Roberto Rossellini, Jeanne au bûcher, en 1954, car c’était dit sans aucune ambigüité.