Timbrés !

Cher Vincent, toi dont j’ai appris aujourd’hui que tu avais entrepris de lire la totalité de mes petits écrits (5716 articles, je ne sais pas si j’en serais capable), c’est à toi que je dédie cette notule. Je t’aimais beaucoup quand tu étais enfant, sache-le.

Avant-hier, j’ai un peu étrillé la banque à laquelle je fais la grâce de confier mon immense fortune. Si vous avez parcouru cette page d’anthologie, vous savez que la gourde à laquelle j’avais eu affaire au téléphone m’avait juré que la page d’accueil du site auquel je n’avais pas pu me connecter serait réparée avant la fin de la journée. Deux jours plus tard, ça vous étonne ?, la panne n’a PAS été réparée. J’avais certes envoyé un message électronique pour aviser les responsables, mais mon message m’est revenu, renvoyé par un robot, avec la mention suivante : « Votre courrier électronique n’a pu être pris en compte. Pour nous contacter par courrier électronique et pour des raisons de sécurité, nous vous remercions d’utiliser le formulaire disponible depuis votre accès client (“Liens utiles” en bas de page - “Contactez-nous”). » Et, en effet, quoi de plus opportun que d’invoquer les raisons de sécurité quand aucun risque n’existe, et quoi de plus simple que de contacter un responsable par un formulaire présent sur un site, quand ledit site est en panne ? Comme quoi, tous les imbéciles ne sont pas au gouvernement.

Il s’imposait par conséquent que j’engueule quelqu’un, et je ne pouvais le faire que par lettre. Vous savez peut-être ce qu’était une lettre : il s’agissait d’un ensemble de phrases que l’on transcrivait sur une feuille de papier, feuille que l’on glissait dans une enveloppe, et que l’on confiait à la Poste avant de se rendre à l’église la plus proche afin d’y brûler un cierge. Or nous sommes dimanche, et, dans le sein du cadre du grand plan de modernisation des services publics (rien qu’à ce mot de publics, je ris), les bureaux de poste, fermés le dimanche, n’ouvriront pas avant demain, à une heure de l’après-midi. Je propose qu’au fronton de ces temples voués à l’activité intense, on grave cette devise : Nos tarifs évoluent en sens inverse des services que nous vous rendons.

Par conséquent, j’avais besoin d’un timbre pour affranchir ma lettre au banquier, aimable missive dans laquelle je suggérais qu’on accorde une promotion à la fille dont je parlais plus haut, et une forte augmentation au webmaster de son site, parti en week-end en laissant ledit site complètement dévasté, et les milliers de clients, le bec dans l’eau. Je suis donc parti à la recherche d’un timbre-poste, croyant naïvement que les nombreux bureaux de tabac de mon quartier voudraient bien m’en céder un pour un prix dont la modicité vous ferait rire aux éclats.

Eh bien, je suis revenu bredouille, et tous les buralistes m’ont assuré que, désormais, s’ils tiennent encore à vendre des timbres, ils doivent aller en acheter eux-mêmes à la Grande Poste de la rue du Louvre, celle qui autrefois ne fermait jamais, ou les commander sur Internet. Vous imaginez leur empressement, sachant surtout que ce petit commerce ne leur rapporte pas un maravédis.

Encore une fabuleuse avancée de la Poste.