Le masque et la plume : les fondateurs
Ce soir, France Inter fête les soixante ans de son émission vedette, Le masque et la plume, et, pour une fois, la diffusion durera deux heures. Je vais donc vous parler d’abord de ses fondateurs. Dans un autre article, je parlerai de ses animateurs. Enfin, je terminerai par ses critiques. Une précision tout de même : je ne consulterai pas Wikipédia !
Le masque et la plume a donc été fondée par Michel Polac et François-Régis Bastide, qui ont eu des « parcours », comme il faut dire, assez différents. On ne vous dira pas, ce soir à la radio, que Bastide était un imbécile, puisqu’il croyait à l’astrologie et publiait des articles sur ce sujet, mais c’était un imbécile cultivé. Pas très autoritaire, au contraire de ses deux successeurs, il avait eu la mauvaise idée de faire illustrer les émissions sur le cinéma par... un pianiste, dont je n’ai pas retrouvé le nom, parce qu’il pensait que la musique était la meilleure critique de film qu’on pouvait imaginer, et il trouvait son idée excellente. En fait, elle était idiote, car cela cassait le rythme de l’émission, mais chacun faisait semblant d’admirer, puisque, après tout, c’était lui le patron. Inutile de dire que ledit pianiste a disparu quand Bastide partit, en 1981. En effet, comme il était socialiste, Mitterrand, dès son élection à la présidence, l’avait nommé ambassadeur au Danemark, et Pierre Bouteiller lui succéda, pour le plus grand bien de l’émission, car lui fut un vrai patron, avec de l’autorité. De plus, c’était un homme d’esprit.
Néanmoins, je dois dire quelque chose en faveur de Bastide. Alors qu’il avait interdit à ses critiques de dire du mal des salles de cinéma – il y avait pourtant matière ! –, la consigne changea un jour, parce que Micheline Presle, en 1975, était allée voir Barry Lyndon au cinéma Hautefeuille du Quartier Latin, et qu’elle avait constaté que le film y était très mal projeté. Elle avait donc écrit à Jean-Louis Bory, alors le critique le plus apprécié des auditeurs, et il avait lu sa lettre au micro. Or, en Angleterre, un ami de Stanley Kubrick écoutait l’émission, il prévint Kubrick, qui se déplaça à Paris et alla faire une scène au patron de la salle qui massacrait son film. Après cela, il ne fut plus interdit sur France Inter de critiquer les salles. Je dois dire qu’hélas, aujourd’hui et sous la houlette de Jérôme Garcin qui ne veut se fâcher avec personne – c’est le moins qu’on puisse dire sur ce lèche-bottes –, l’interdiction est revenue...
Michel Polac, lui, connaissait à peine Bastide et ne lui ressemblait en rien, mais leur association leur fut imposée par la direction de Paris Inter (l’ancien nom de France Inter). Néanmoins, Polac était du genre à ruer dans les brancards, il ne resta pas longtemps dans l’émission, et, plus tard, on le lui fit payer : il avait lancé une émission très polémique et très brouillonne le samedi en direct sur TF1, après son rachat par Bouygues, Droit de réponse, et un dessinateur de son équipe avait fait, toujours en direct, un dessin sur lequel il avait mentionné que Bouygues faisait des « maisons de merde ». Bouygues, qui était le Bolloré de l’époque, supprima aussitôt Droit de réponse. Polac ne fit plus d’émission, se cantonna dans un rôle de vieux sage qu’on venait consulter, et tourna aigri. Lorsqu’il est mort, on fit semblant de le regretter, mais, en fait, personne ne l’aimait vraiment.