11 janvier, ici et ailleurs
On tape beaucoup sur la Turquie, en ce moment, en raison des manières délicates de son président et de son chef de gouvernement. Pourtant, en Turquie où la presse est libre, on a publié le dernier « Charlie-Hebdo ». Eh oui... Ce n’est pas du tout le cas des trois pays du Maghreb, où cette publication a été interdite, ainsi que celle de « Marianne » – pour avoir reproduit des dessins du journal honni par les culs-bénis locaux. Il faut dire qu’au Maroc, la monarchie ne tient que par la religion : le roi ne peut accéder au trône que s’il a été accepté par les docteurs de la loi musulmane, et j’ai déjà raconté comment le prédécesseur et père du roi actuel, le sinistre Hassan II, n’avait pu l’être que pour l’excellente raison que le colonel Oufkir, pas encore général, avait menacé de sa mitraillette lesdits docteurs de la loi !
Au fait, et comme je ne prends pas grand-chose au sérieux, vous ne lirez sans doute qu’ici, petits veinards, le détail qui suit.
La manifestation en France pour la liberté d’expression et contre le fanatisme a eu lieu le dimanche 11 janvier. Or il existe à Casablanca, la plus grande ville du Maroc, un... Boulevard du 11-Janvier ! Très commerçant, il mesure cinq cents mètres de long, commence au Boulevard de Paris, et se termine au Boulevard Rahal El Meskini. Un de mes amis marocains y a résidé quelques années, tout près du cinéma Le Colisée.
Naturellement, cette dénomination relève du hasard, puisque ce boulevard ne date pas d’hier. Mais si les autorités marocaines s’aperçoivent de la chose, ne vont-elles pas le débaptiser ? À la réflexion, non. Pendant plusieurs décennies, il a existé en plein centre de cette ville un Café de la République, et personne n’y avait pris garde. Néanmoins, j’en tremble, car il m’y est arrivé une chose très curieuse : trouver là, dans une petite boutique qui vendait des journaux, « Le Canard enchaîné ». Or ce journal, imprimé le mardi à midi, ne paraît en France que le mercredi matin, mais cela se passait... un mardi soir ! À ce mystère, je ne vois qu’une explication : le journal avait dû être imprimé par fax, et distribué par erreur quelques heures à l’avance.
N’en déduisez pas que vous devez aller vous installer à Casablanca pour pouvoir lire « Le Canard » avant les Français. C’est une ville très moche, son principal avantage étant que... les touristes n’y restent pas. Je la préfère donc, et de loin, à Marrakech.