Autorisons ce qui était interdit
Deux ou trois fois ici, il a été question des infractions que commettent les cyclistes à Paris – ailleurs, je ne sais pas, à vous de vérifier. Ces infractions sont de trois sortes : rouler dans les rues réservées aux piétons ; rouler sur les trottoirs (déjà occupés par les kiosques à journaux, les terrasses de café, les colonnes Morris, les dépôts de Vélib, les entrées de parkings souterrains, celles du métro, les arrêts de bus, les mendiants, les éventaires de certains magasins et... les aires de stationnement des véhicules à deux roues, bicyclettes et motos ; à tel point que les piétons en sont souvent réduits à descendre sur la chaussée au péril de leur vie) ; enfin, rouler en sens interdit sur la chaussée. Ajoutons que je n’ai jamais vu le moindre policier verbaliser le moindre contrevenant – la paresse et la lâcheté, ça existe aussi dans cette profession, censée donner le bon exemple.
Je n’irai pas jusqu’à prétendre, ni même supposer, que monsieur not’ bon maire, Bertrand Delanoë, a lu mes petits écrits. Néanmoins, la municipalité qu’il dirige d’une main de velours dans un gant de fer vient de réagir en prenant une courageuse décision, consistant à prendre un arrêté qui... autorise les vélos à rouler en sens interdit ! Je vous jure que c’est vrai.
Naturellement, pas dans toutes les rues. On a prévu de signaler celles où l’initiative géniale sera autorisée, en marquant la chaussée d’un logo représentant un vélo superposé à une flèche indiquant le sens contraire à celui de la circulation automobile. Je n’ai encore vu aucune rue ainsi décorée, mais vous savez ce que c’est, on est toujours à court de peinture (si vous voyez l’état de ma cuisine !)...
Cette décision ne fait qu’imiter une attitude de plus en plus répandue. Par exemple, le Robert, que d’aucuns prennent pour un dictionnaire, admet systématiquement comme correcte toute faute de français, dès lors qu’elle est commise par un nombre assez grand d’ignorants. En politique aussi, on a su s’adapter à l’air du temps. Ainsi, lorsque Jospin était Premier ministre, il était interdit à un ministre déjà logé à Paris d’occuper un logement de fonction ; et, s’il s’en trouvait un qui fût affecté à son ministère, il devait obligatoirement le refiler à son subordonné le plus proche qui ne serait pas logé. Mais c’est fini, et on a vu Fadela Amara, logée dans le treizième arrondissement par ses propres soins, conserver son logement de fonction officiel... et le prêter à ses frères ; ou Christian Estrosi disposer de DEUX logements de fonction.
Dans quelque domaine que ce soit, rien n’arrête la marche du progrès.