Divine pudeur qui préserve nos yeux

Publié le par Yves-André Samère

Il y a une manie qui m’agace prodigieusement, et je suis bien certain qu’elle vous agace aussi. C’est celle qui, dans les journaux ou dans les forums sur Internet, consiste à ne pas écrire en entier les mots grossiers. Dans ce cas, le scripteur se contente d’écrire la première et la dernière lettre, et remplit l’espace vide avec des astérisques. Ainsi, le mot de Cambronne devient « M***E ». Je trouve cette pratique, visant à ne pas « choquer » les esprits sensibles, du dernier ridicule. Car enfin, de deux choses l’une.

Ou bien le lecteur ignore l’existence du mot censuré – ce qui serait un peu étonnant. Le souci, notamment, de préserver la mythique innocence des enfants, ce souci ne tient pas puisque, dès avant leur six ans, les gosses en connaissent davantage que leurs parents, et leur joli bouche innocente en déverse de pleins tonneaux à longueur de journée. Mais si on admet cette ignorance, chez le lecteur, de ce type de vocabulaire, ledit ignorant va se poser des questions, et cherchera sans doute à en savoir davantage. Certes, le bénéfice est évident : vous contribuerez ainsi à parfaire sa culture en matière lexicale.

Ou bien, plus probablement, le lecteur connaît le mot en question, et l’emploie encore plus fréquemment que le scripteur. Et dans ce cas, comment peut-on croire qu’il sera « choqué » – j’adore ce terme – de lire un mot qu’il connaît déjà ?

Mine de rien, ce point auquel on ne pense jamais en dit long sur la mentalité des gens qui s’expriment publiquement.

Publié dans Absurdités, Médias, Journaux

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