Hausse « à deux chiffres » ?

Publié le par Yves-André Samère

Feuilletant un journal économico-financier, je tombe à deux reprises sur l’expression « hausse à deux chiffres », pour parler des bénéfices d’une entreprise ; et cela, dans deux articles différents, sur deux pages différentes. Cette manie est de plus en plus répandue. Ne feignons pas de ne pas comprendre, les rédacteurs de ces articles veulent dire qu’il s’agit de hausses supérieures ou égales à dix pour cent, puisque le nombre 10 s’écrit, du moins dans le système décimal, avec deux chiffres (mais pas chez les Romains, par exemple, où il n’en réclamait qu’un seul).

Si l’on voulait pinailler, il serait facile de rétorquer à ces esprits peu rigoureux – je ne parle pas des Romains, mais des journalistes – que le nombre 0,1 s’écrit aussi avec deux chiffres. Pourtant, s’il s’agissait encore d’un bénéfice, il serait loin d’être aussi avantageux ! On pourrait aussi dire qu’un bénéfice de 23,7 % s’écrit avec trois chiffres, mais que, supérieur à 10 %, il sera encore qualifié de « hausse à deux chiffres » par les étourdis.

Au fond, tout cela découle du fait que la plupart des humains, soit n’ont jamais rien compris aux mathématiques, soit en ont gardé un souvenir si cauchemardesque qu’ils ont jeté au panier tout ce qui s’en approche, y compris la logique, qui pourtant n’a rien à voir avec le calcul. Rappelons à ceux-là qu’un CHIFFRE n’est pas un NOMBRE.

Le chiffre est un symbole écrit, uniquement écrit. C’est une représentation visuelle, GRAPHIQUE, servant à écrire les nombres. Si je prononce le nombre « huit », je ne prononce pas un chiffre, puisque je n’ai rien écrit, je prononce un nombre. Dans notre système, qui est décimal, nous utilisons dix chiffres : 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, et 9. On les appelle « chiffres arabes », bien qu’ils ne doivent rien aux Arabes et tout aux Indiens (les Arabes ont leurs propres chiffres, et, par exemple, leur « 5 » s’écrit comme notre « 0 »). Les Romains n’avaient que sept chiffres : I, V, X, L, C, D et M (respectivement 1, 5, 10, 50, 100, 500 et 1000).

Il s’ensuit que nous ne comptons pas avec des chiffres, mais avec des nombres ; qu’un chiffre ne peut pas être supérieur à un autre puisqu’ils ne désignent pas des valeurs ; et que, si les chiffres sont en nombre fini, les nombres sont en... nombre infini (il n’y a pas de « dernier nombre »).

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :