L’eau de Paris
Tous les gouvernements de droite (et quelques gouvernements de gauche, soyons justes) tentent de nous persuader que privatiser une entreprise doit permettre de rationaliser son fonctionnement, et plus précisément ses dépenses ; en clair, elle fera des économies, et tout le monde sera content.
Cette belle théorie a été mise en pratique au Royaume-Uni, par la très peu regrettée Margaret Thatcher, qui a réussi à ruiner à peu près tout ce qui marchait bien dans son pays. L’exemple des chemins de fer anglais est très connue, et je vous invite à jeter un coup d’œil ICI, à propos d’un film de Ken Loach, The navigators, qui traitait ce sujet. Mais vous pouvez aussi lire les livres de Jonathan Coe.
Le Royaume-Uni n’a pas été le seul. À Paris, nous aussi avons expérimenté cette théorie. Ainsi, naguère, la distribution de l’eau était une responsabilité municipale, et cela, depuis 1860. Mais, il y a vingt-cinq ans – et je vous invite à vérifier QUI était le maire de Paris il y a vingt-cinq ans –, il fut décidé de confier la gestion de l’eau à deux sociétés privées, la Générale des Eaux et la Lyonnaise des Eaux : l’une aurait la rive droite, l’autre la rive gauche ! La première, engloutie dans une succession de scandales, a choisi la solution habituelle, elle a… changé de nom, se rebaptisant Vivendi en 1998, puis Veolia quand Vivendi s’est « diversifiée », préférant les activités plus juteuses comme la télévision ou le téléphone portable (SFR, c’est Vivendi). La seconde, elle, créée par le Crédit Lyonnais en 1880 (d’où son nom), s’occupa aussi du gaz, jusqu’en 1946, quand cette activité fut nationalisée. Mais elle acheta également… les Pompes Funèbres Générales en 1978, revendues ensuite, puis se lança dans la communication (Noos, fournisseur d’accès à Internet, c’était elle, mais elle l’a aussi revendu), et fusionna avec Dumez, grosse entreprise de Bâtiments et Travaux Publics. Elle non plus n’échappa guère aux scandales. Quant à son président entre 1980 et 2000, Jérôme Monod, il fut le bras droit de Chirac au RPR, l’ancien parti qui se disait gaulliste, précisément à l’époque où l’eau parisienne fut privatisée. Un hasard, sans doute…
Ces vingt-cinq années de l’eau privatisée firent que son prix avait augmenté de... 260 %. Jusqu’à ce que, lasse de payer ce pactole à deux sociétés privées, la municipalité décide de re-municipaliser la gestion de l’eau. Cela fait un an maintenant, et le prix du mètre cube d’eau va baisser de 8 % le 1er juillet, passant de 1,0464 euros à 0,9627 euros le mètre cube.
Et si on nationalisait tout le reste ?