La mémoire de France Inter

Publié le par Yves-André Samère

Ce matin sur France Inter, Hélène Jouan recevait à huit heures moins dix un ami de Sarkozy, communicant très connu pour son bronzage, Thierry Saussez, qui bien sûr n’aime pas François Hollande, le nouveau président de la République. Et, dissertant sur ce que fera Hollande demain (il donne une interview à l’Hôtel de la Marine), elle lui « rappelle » que son cher Sarkozy a été le premier à recevoir officiellement des dictateurs le jour de la Fête nationale.

Sauf erreur, Hélène Jouan dirige le service politique de France Inter. C’est donc très curieux, cette ignorance. Faut-il la mettre (l’ignorance, pas Hélène) sur le compte du manque de mémoire ? Car on ne peut pas croire qu’une journaliste de sa qualité ignore ceci : le 14 juillet 1987, Hissène Habré, premier preneur d’otage de l’Histoire contemporaine, dictateur tchadien, tortionnaire et assassin, était présent dans la tribune officielle, sur les Champs-Élysées, lors du traditionnel défilé militaire. Il était invité par Mitterrand, alors président de la République.

Or, le 21 avril 1974, Habré avait pris en otage et gardé durant trente-trois mois une citoyenne française, madame Françoise Claustre, ethnologue au CNRS, qui faisait au Tchad des recherches pour son travail. Elle avait été enlevée par une faction de rebelles, ennemis du président Tombalbaye, et dont les chefs étaient Goukouni Oueddeye et Hissène Habré. Celui qui dominait le tandem était Habré. Non content de cela, il avait fait exécuter un négociateur envoyé par le gouvernement français nommé par Giscard, le commandant Galopin, et exigé de l’argent et des armes, qui lui ont été fournis en douce pour que ledit gouvernement français ne perde pas la face. Oueddeye et Habré ont été successivement présidents du Tchad, après la mort de Tombalbaye. Oueddeye a pris sa retraite d’homme politique et a exprimé des regrets tardifs ; Habré, renversé et en fuite, est poursuivi pour crime contre l’humanité.

Rappelons qu’il n’est pas d’usage qu’un chef d’État étranger (surtout de ce calibre !) assiste à la cérémonie du 14-Juillet, et que ce rarissime honneur a été refusé, quatre ans plus tard, au président des États-Unis, George Bush père, qui avait souhaité saluer les troupes françaises ayant participé à sa Guerre du Golfe.

Le 24 septembre 2006, France Inter avait déjà eu un trou de mémoire : consacrant un mini-magazine de la rédaction à Françoise Claustre, qui venait de mourir au début du mois, la station n’avait pas soufflé mot de ce « détail ».

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