Tous nés d’un inceste !
Ma culture étant tragiquement insuffisante, je me demande si beaucoup de penseurs se sont posé les questions que je vais aborder ici. Il s’agit d’Adam et Ève, nos parents à tous. Si je demande à un enfant du catéchisme qui était Adam et Ève, il me répondra que c’étaient le premier homme et la première femme, mais je doute que les prêtres ou les religieuses qui lui ont enseigné ça aient eu le front d’aller un peu plus loin – ce que je compte faire à présent.
La Genèse nous dit, dans son premier chapitre, au verset 26, que Dieu a créé le premier homme, après les autres animaux, et, au deuxième chapitre, verset 2, qu’il l’anima pour en faire un être vivant. Mais, au verset 18, il décida de lui donner « une aide semblable à lui » – un domestique, en somme –, puis, au verset 21, il l’endormit (invention de l’anesthésie) et lui préleva une côte, avant de refermer la chair. Avec cette côte, au verset 22, il forma une femme « et il l’amena vers l’homme ».
À ce stade, c’est très clair : quand on fabrique un être vivant à partir d’un autre être vivant, c’est du clonage ! Donc Ève est un clone d’Adam. Mais se pose immédiatement la question : peut-on, à partir d’un vivant mâle, fabriquer un vivant femelle ? Jusqu’ici, à ma connaissance, nul n’y est parvenu, ni même n’a tenté l’opération. Mais il faut croire que Dieu avait donné un petit coup de pouce, et qu’il avait un laboratoire bien équipé. Donc Adam et Ève, au sens strict, sont frère et sœur ! Et leurs enfants à venir naîtront d’un inceste.
Notez que, toujours à ce stade, aucune considération morale n’intervient, car Dieu n’a pas encore inventé d’autre règle que celle interdisant au couple (chapitre 2, verset 17) de manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. La notion d’inceste et son interdiction future n’existent pas. Il n’y a pas non plus de danger génétique, aucune tare dans ce cas précis ne pourrait surgir d’une union entre frère et sœur, puisque les tares sont des déviations accidentelles à partir de la norme, or tous les chromosomes en jeu viennent d’Adam, et la norme, c’est lui...
Je viens donc de poser l’hypothèse, sur laquelle les religions n’insistent pas beaucoup, selon laquelle Adam et Ève étaient des frère et sœur incestueux, mais vous verrez qu’il y a d’autres considérations aussi intéressantes. Je tenterai de rattraper le doute affreux que je viens d’instiller dans vos esprits, en vous parlant de Lilith, personnage que l’Ancien testament ne mentionne qu’une seule fois dans Isaïe, chapitre 34, verset 14, sous une forme elliptique, « le spectre de la nuit » (ça me fait penser à la Reine de la Nuit, dans La flûte enchantée de Mozart), mais qui est nommé dans certaines traductions de la Bible hébraïque en langue grecque, la Septante, où on le décrit comme une sorte d’âne sans tête. On voit comme tout cela est sérieux, et digne de constituer le terrain mental sur quoi les croyants fondent leur existence...