Un boulet à traîner
Chez les gens de médias, et en particulier les humoristes, il y a une manie qui me ressort par les yeux, et c’est celle-ci : quand l’un de ces fendeurs de cheveux en quatre a trouvé un détail gênant sur quelqu’un, on lui ressort le même fait pendant des dizaines d’années – exactement ce qu’on reproche à Internet, mais le phénomène est bien plus ancien. Voyez par exemple le célèbre « Durafour crématoire » que Le Pen traîne depuis... 1988 ! La blague pas très fine est inusable, il sait qu’on la lui renverra toute sa vie.
Je ne plains pas Le Pen, il a probablement fait exprès, il prostituerait sa grand-mère pour faire un « bon » mot, et c’est un collectionneur sachant collectionner. Mais chez d’autres personnages, plus sympathiques et qui méritent mieux, le processus est le même, et ils ne s’en sortiront pas davantage.
Ainsi, considérez Michel Rocard. Si un homme politique a été honnête et capable, en dépit d’un président qui voulait sa peau, c’est bien lui. Hélas, il a dit un jour ceci : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre fidèlement sa part ». Or ces canailles de journalistes n’ont gardé que la première partie de la phrase et la ressortent à chaque occasion. La suite a été balancée aux orties. On n’est pas plus malhonnête.
Il y a aussi la déclaration d’Eva Joly sur Loïc Le Floch-Prigent « Je le connais bien, je l’ai mis en examen ». Là encore, la citation est tronquée. Un pur hasard, sans doute...