Un éloquent imbécile

Publié le par Yves-André Samère

Le 28 février dernier, j’ai écrit ICI que « lorsque votre pays commet impunément d’immondes saloperies, c’est un devoir de le clamer bien haut, quitte à vous faire qualifier de traître ». Je faisais allusion à Edward Snowden, qui a dénoncé les crimes des États-Unis et a dû fuir à l’étranger, car il sait très bien qu’on finira par l’assassiner sur les ordres d’Obama, lequel veut sa peau.

Or le film documentaire qu’on a tourné sur lui, Citizenfour, a été vivement critiqué, dans l’émission de France Inter Le masque et la plume, par Michel Ciment, qui a concentré sa diatribe sur l’homme, et pas sur le film. En résumé, prétend Ciment, ledit Snowden serait coupable de s’être réfugié en Russie, pays qui est incontestablement une dictature, alors que, argüe-t-il, le fugitif aurait dû se rendre aux États-Unis et y affronter un procès (« Il aurait eu un avocat », objecte le directeur de la revue « Positif »). Donc c’est un traître et un déserteur, selon l’idéologie cimentienne.

Ben voyons ! On sait bien où aurait fini Snowden s’il avait agi ainsi : on l’aurait immanquablement enfermé au pénitencier de Guantanamo, probablement torturé comme l’a été ce pauvre Bradley Manning (je devrais dire « cette pauvre Chelsea Manning », puisque ce jeune soldat a depuis changé de sexe), et on ne l’aurait jamais libéré. Songez que certains y sont depuis 2001, à Guantanamo, sur de simples soupçons, et n’ont toujours pas été jugés ! Si Poutine a toléré la présence de Snowden chez lui, on se doute bien que ce n’est pas par humanisme, mais uniquement pour embêter son ennemi Obama – ils se détestent, tous les deux. Cela étant, on peut condamner Poutine sans encenser Obama et son régime. Bien qu’ils aient été opposés lors de la Deuxième guerre mondiale, nous mettons bien Hitler et Staline dans le même sac, non ?

Ciment, on le connaît : il est perpétuellement en admiration devant les États-Unis (il dit toujours « l’Amérique », jamais « les États-Unis », comme les gens qui ne réfléchissent pas et prennent la partie pour le tout). Par conséquent, on ne peut faire devant lui aucune objection sur ce prétendu pays de la liberté, sans se faire dévorer tout cru. J’avais toujours pensé, depuis que je l’entends à la radio, que Ciment était le critique de cinéma le plus intelligent et le plus cultivé de France. Je m’aperçois à présent que c’est, en fait, un imbécile.

Publié dans Politique, Cinéma, Absurdités

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