La « bonne santé » du cinéma français
Aujourd’hui, les films français à gros budget sont réalisés... à Prague (en Tchéquie) ou à Budapest (en Hongrie). D’abord, parce que ces villes ont des studios de bonne qualité ainsi que des techniciens qui valent bien les nôtres. Ensuite et peut-être surtout, parce que les tournages y coûtent moins cher !
Les tournages coûtent moins cher là-bas, parce que les salaires sont beaucoup moins élevés, mais aussi parce que des ministres irresponsables, en France, ont fait voter des lois ridicules, démarquées de celles qui existent aux États-Unis (c’est si bien, les États-Unis, il faut absolument faire tout comme aux States ! Voyez comme on mange bien, aux États-Unis), et qui, entre autres, imposent des « équipes complètes »... y compris quand on n’en a pas besoin. Cette modification du règlement a été soutenue par l’API, syndicat des employeurs (UGC, Pathé, Gaumont et MK2) et cinq syndicats de salariés, dont le SNTPCT (Syndicat National des Techniciens et Travailleurs de la Production Cinématographique et de Télévision) et la CGT.
Vous voulez faire un film à l’économie, en France ? C’est très simple : filmez tout seul ! Tenez la caméra, enregistrez vous-même le son, réglez les éclairages, habillez et maquillez les acteurs, faites le montage et le mixage, bref, n’engagez personne pour vous seconder. Et faites tout cela discrètement, sinon les syndicats vous tomberont sur le dos.
Je sais, je sais, à Hollywood, les techniciens sont si bien payés que les trois ou quatre types qui poussent le chariot de travelling pour que la caméra puisse se déplacer, et qui ne font que ça puisqu’il leur est interdit de faire quoi que ce soit d’autre, ont les moyens d’envoyer leurs enfants à l’Université (elles sont payantes, dans ce merveilleux pays). C’est pareil en Angleterre, et on a vu dans un film de Kenneth Branagh, qui racontait le tournage d’un film de Lawrence Olivier, cette scène burlesque : l’une des vedettes du film, âgée et un peu fatiguée, demande qu’on lui apporte une chaise. Serviable, un électricien lui avance une chaise. Aussitôt, le régisseur du plateau l’apostrophe, hurlant que son travail consiste à s’occuper des projecteurs, pas à fournir des chaises aux actrices, et que, pour cette mission délicate, il faut faire appel à un accessoiriste !
On en est presque là, en France, et on a calculé en décembre 2012 que cette loi absurde a entraîné l’annulation d’environ soixante-dix films par an, parce que leurs frais de réalisation atteignaient des sommets injustifiés : les films coûtant moins de sept millions d’euros voyaient leurs frais gonfler de 67 % ! Et, dans ces conditions, on va tourner chez les voisins, qui se frottent les mains.
Quand on pense que notre Centre national du cinéma subventionne les films étrangers tournés chez nous, et que, lorsque Luc Besson prépare un film français à réaliser dans la Cité du cinéma qu’il a fait bâtir au nord de Paris, il prévoit de le tourner en anglais, on vérifie que chez nous, tout marche sur la tête.