Orson Welles juge Paris

Publié le par Yves-André Samère

Deux ou trois fois, j’ai dit à cet endroit combien je trouvais ridicule cette illusion, chez les Français, que les Champs-Élysées, à Paris, seraient « la plus belle avenue du monde ». Et d’abord, si c’était vrai, en quoi les Parisiens seraient-ils responsables de tant de beauté – imaginaire – au point de s’en glorifier ?

Eh bien, j’ai trouvé quelqu’un qui pensait comme moi, ou plutôt, soyons modestes, dont je pensais comme lui, et c’est... Orson Welles. Voici quelques aperçus de ses idées sur la France. Je précise qu’il connaissait très bien le pays, qu’il parlait le français (je l’ai entendu dans un documentaire), qu’il lisait souvent Montaigne dans le texte, qu’il a travaillé pour la télévision française (Une histoire immortelle, avec Jeanne Moreau), et qu’il a tourné une partie de son film Le procès dans la Gare d’Orsay.

- sur la pyramide du Louvre : « Je déteste. [...] De Gaulle a établi une monarchie en république, puisque c’est le président qui prend toutes les décisions. Si qui que ce soit dit : “Une pyramide au milieu du Louvre, nous n’aimons pas ça”, il réplique “Moi, j’aime ça”, et le sujet est clos. Il y a une pyramide au beau milieu du Louvre. [...] Ça ne ressemble à rien ».

- sur le Centre Pompidou : « Tout le monde a dit en son temps : “Vous allez finir par trouver le Centre Pompidou beau. Il suffit de s’y habituer”. Mais plus tu le regardes, plus c’est impossible. C’est un gros tas de ferraille ».

- sur les Champs-Élysées et la Tour Montparnasse : « Toutes les belles perspectives ont été gâchées par la Tour Montparnasse. Avant, si tu te plaçais devant le petit arc de triomphe du Carrousel [...] et que tu regardais à travers, ta vue portait tout le long des Champs-Élysées et jusque dans le ciel bleu derrière l’Arc de Triomphe. Et maintenant, ce que tu vois, on dirait Detroit ». À cause des tours de la Défense, vous aviez compris.

- sur les bords de Seine : « Si ton goût est le XVIIe et le XVIIIe siècles, Alors Paris est une ville hideuse ! C’est à cause de l’automobile, avec tous ces échangeurs et la voie rapide au bord de la Seine. [...] Au temps où je pouvais marcher sur ses trottoirs, je l’aimais, mais maintenant il faut escalader les voitures ».

- sur les Halles : « Raser les Halles a été le début de la fin. C’était un bâtiment solide, jadis, alors que le nouveau part déjà en morceaux, la peinture s’en va... Il a l’air plus vieux que Notre-Dame ! [...] Nous allons tous vivre dans des centres commerciaux ».

Publié dans Curiosités, Mœurs

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B
Bonjour, <br /> <br /> Pour vérifier le goût et les connaissances esthétiques de Welles à propos des perspectives gâchées par la défense, je vous conseille de vous reporter aux pages 248-249 du livre de Louis Chevalier 'l'assassinat de Paris" (éditions Ivrea) qui rejoint les observations de Welles en appuyant son propos sur d'innombrables citations d'écrivains anciens (Hugo notamment) réduisant ainsi à néant les déclarations de Pompidou de l'époque. Savoureux comme tout le livre d'ailleurs.
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Y
Je n’ai pas lu ce livre, mais je vais tâcher de le trouver. Merci pour le renseignement. Quoi qu’il en soit, je ne serai pas surpris, car on voit bien comment Paris évolue mal.