Anthony Burgess, illustre inconnu
Les Français ne connaissent d’Anthony Burgess que son roman L’orange mécanique, surtout grâce au film que Stanley Kubrick en a tiré. Il faut savoir que Burgess lui-même avait écrit un scénario destiné à Kubrick, mais ce dernier l’a refusé, car il le trouvait... trop violent ! Mais la pièce a été jouée une fois au théâtre, à Londres, en 1990, et deux fois au théâtre, en 1995 et en 2005, à Chicago.
Le nom complet de Burgess, né le 25 février 1917 à Manchester, était John Anthony Burgess Wilson. Et son œuvre ne se limite pas à ce livre trop célèbre. Curiosité : il a fait une traduction de Cyrano de Bergerac, que lui avait commandée l’acteur Christopher Plummer, et que ce dernier a jouée au théâtre, avec Kenneth Branagh, Kevin Kline et Derek Jacobi, en 1971 à Chicago. La même traduction a servi à faire les sous-titres du film de Jean-Paul Rappeneau, avec Gérard Depardieu. Mais il a commencé à travailler sur des scripts pour la télévision, tentant d’adapter des mini-séries sur Attila, Sigmund Freud et Michelange, dont aucune ne fut réalisée. Également, une comédie musicale sur Trotsky, jamais jouée, et une adaptation de l’Ulysse, de James Joyce. Enfin, il rédigea un scénario sur Napoléon, parce que Kubrick voulait tourner une monumentale adaptation sur la vie du dictateur corse, film qui ne vit jamais le jour. Mais c’est lui qui inventa le langage des hommes préhistoriques pour La guerre du feu, film de Jean-Jacques Annaud sorti en 1981.
Burgess, qui parlait six langues en plus de l’anglais, a écrit 33 romans, 25 œuvres qui ne relevaient pas de la fiction, deux autobiographies, et, parce qu’il avait débuté comme compositeur, trois symphonies, et plus de 250 autres compositions musicales, dont un concerto pour violon destiné à Yehudi Menuhin. Et c’est dans une de ses autobiographies qu’il a relaté la genèse d’Orange mécanique et la création de l’expression ultra-violence : alors qu’il se trouvait à Gibraltar, sa seconde femme, Liana, fut attaquée à Londres par des G.I.s, et il introduisit le récit de cette agression dans son roman. Par ailleurs, les médecins lui ayant trouvé une tumeur cancéreuse au cerveau, il se hâta d’écrire L’orange mécanique afin de fournir à sa femme les moyens de vivre après sa mort. Mais, en fin de compte, il n’avait pas de cancer !
Détails peu connus : il a écrit plusieurs livres sur la Bible, dont L’homme de Nazareth (que j’ai lu, entre autres), plus une série de 24 épisodes pastichant Sherlock Holmes, diffusée en 1979-1980, Sherlock Holmes and the Doctor Watson, et une nouvelle sur le même thème, Meurtre en musique, publiée pour la première fois en 1989 dans le recueil The Devil’s mode.
Mort en Angleterre le 25 novembre 1993, il est enterré... à Monaco.